Petit coin de Chine en Picardie.



     Des centaines de milliers de Chinois, appelés à l'époque des "Célestes", sont venus en France en tant qu'alliés à partir de 1917. N'ayant pas le droit de combattre, l'Armée britannique les employa dans le Chinese Labour Corps à des tâches ingrates ou difficiles : terrassement de tranchées, ramassage des soldats morts sur le champ de bataille, déminage de terrains conquis, blanchisserie (où leur réputation était sans égale), et aussi au sein des services de santé particulièrement auprès des malades de la grippe espagnole qui fit 17 millions de morts en Europe. Infatigables ils surprirent les Européens par leur vivacité, leur endurance et leur joie de vivre.

     La plupart des Chinois recrutés le furent dans les provinces du sud de la Chine dans les régions attenantes à Canton, Shanghai, Jinan et Hong Kong. Chaque compagnie était vêtue d'un uniforme bleu sombre ressemblant trait pour trait aux tenues de travail chinoises encore utilisées dans la pratique du Kung-Fu. D'ailleurs, ces travailleurs chinois introduisirent en occident cette pratique lors de fêtes du Nouvel an, ils firent également découvrir le chou chinois, le soja aux Européens.

     Bon nombre de ces "volontaires" (officiellement 3 000) préférèrent demeurer en France après la victoire de 1918 et furent recrutés par l'industrie (particulièrement les usines Louis Renault de Boulogne Billancourt), formant ainsi le premier noyau de la communauté asiatique française. Cette communauté comptera parmi ses membres formeront l'élite des révolutionnaires chinois et bien entendu vietnamiens.

Tombe de Yang Shiyue 楊十月 originaire du Shandong et décédé le 19 janvier 1919. Sources internet.

     Les volontaires d'Asie sont cantonnés à Noyelles, petit village picard de la baie de Somme. Or les conditions climatiques et d'hygiène ne sont pas favorables pour ces Chinois de Chine méridionale et beaucoup tombèrent malades (choléra principalement et fièvre espagnole). Environ un millier décèdent dans l'hôpital de campagne du Native Labour de Noyelles. Et puis, un Gotha allemand (bombardier) bombarde le camp de Saigneville dans la nuit du 21 au 22 mai 1918. Un dépôt de munitions explose, le camp est rasé et causera la mort des ouvriers chinois qui y œuvraient. Ces travailleurs n'ayant pas de famille connue ou pas les moyens de faire rapatrier leurs corps, ils furent donc enterrés provisoirement dans un champ. En 1918, le cimetière improvisé dénombrait déjà près de 800 tombes. En 1920, une subvention spéciale fut votée en Angleterre pour la création du cimetière de Noyelles. On lui donna volontairement des caractéristiques rappelant la nationalité de ceux qui y étaient enterrés. 


     849 tombes de marbre blanc portent une inscription en anglais ou en chinois, lorsque le nom du mourant était connu. Autrement plutôt que de retranscrire leur numéro militaire, les autorités britanniques ont choisi le patronyme neutre d'"anonyme" avec un dicton en anglais ou en chinois. Enfin, quelques arbres - des pins et des massifs de chrysanthèmes, choix pas du au hasard - agrémentent le tout apportant ombre et perspective au lieu.

Inscription sur une des colonnes du portail d'entrée. Sources internet.

E.M

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