Une journée de randonnée à Champtoceaux

      En août dernier, j'ai eu l'occasion de réaliser une randonnée dans le Maine et Loire à Champtoceaux, une commune grimpée sur les coteaux de la Loire. Et qui pourrait encore imaginer que l'ancienne Châteauceaux fut l'une des plus importantes forteresses médiévales face au duché de Bretagne ? 


      Ligures, Gaulois, Romains utilisaient déjà cet éperon rocheux pour assurer leur défense et le contrôle des routes commerciales.  Grégoire de Tours mentionne la présence d'un oppidum de 8 Ha, le "Castrum Sellense", parmi les principaux castra de Gaule. En bas, le port "Portus Sellus" assure le transport des marchandises. Au Vème siècle de notre ère, l'importance de la ville confère à Châteauceaux le privilège éphémère d'avoir son propre évêque. Au 7ème, Pépin le Bref y reçoit les ambassadeurs de l'autorité musulmane en Espagne (connue sous le nom d' "Al-Andalus" en Europe). Jusqu'en 942, Châteauceaux dépend du Poitou, puis passe dans les mains du duc de Bretagne Alain Barbetorte. A sa mort, sa femme se remarie au comte d'Anjou, Foulques II, nouveau propriétaire de la ville. Ce dernier lance, en 988, la construction de la forteresse médiévale couvrant 30 Ha. Elle se composait de 3 parties : tout d'abord la ville enclose dont on peut encore apercevoir les 2 tours d'entrée et les ruines du prieuré Saint-Jean, la basse-cour, et le château-fort avec son pont-levis, ses 2 donjons, son logis seigneurial, sa chapelle etc... . Il rétablit également le péage maritime sur la Loire.




      Forteresse des Marches de Bretagne, "entre l'enclume française et le marteau breton", la ville fortifiée devient le théâtre de pas moins de 7 sièges ! En 1141 et 1173, ce sont les Plantagenet, famille régnant sur le comtés d'Anjou et sur le royaume d'Angleterre qui amassent leurs troupes aux portes de Châteauceaux. En 1224, c'est Pierre de Mauclerc, duc de Bretagne. En 1230 et 1234, vient le tour du roi de France Louis IX (saint Louis pour les chrétiens). En 1341, le duc de Normandie et futur roi de France Jean Ier le Bon s'y essaie également. Enfin, le dernier assaut en 1420 est un épisode fameux de la Guerre de succession de Bretagne. 



La Guerre de Succession de Bretagne est déterminante pour Champtoceaux.


      Sans entrer dans les détails, cette guerre civile causant la ruine du duché pendant 23 ans oppose deux familles de l'aristocratie bretonne : les Penthièvre et les Monfort. Chaque belligérant s'entoure de nombreux alliés dont certains très puissants à l'instar des royaumes de France et de Castille pour les Penthièvre et du royaume d'Angleterre pour les Montfort. La victoire finale montfortiste installera Jean de Monfort sur le trône ducal de Bretagne.

Pourquoi alors Champtoceaux ?

      En 1420, l'ambitieuse Marguerite de Clisson, partisane des Penthièvre tend un guet-apens au duc Jean V. Emprisonné dans le donjon, le duc est libéré par ses alliés anglais après un siège de 4 mois. Après sa libération, Jean V ordonne aux habitants d' "araser la forteresse jusqu'à pleine terre". Il faudra 10 ans pour démolir pierre par pierre le donjon jusqu'aux fondations des cachots. Interdiction est faite également de rebâtir à l'intérieur de l'enceinte. 



     Ayant perdu tous ses atouts stratégiques qui faisait d'elle une place forte, Châteauceaux ne joue alors plus aucun rôle politique. Un silence épais s’abat sur les ruines désertes malgré la lente reconstruction du noyau urbain aux portes de l'ancienne ville.



La Révolution française : le "renouveau" historique de la ville.

      Aux lendemains de la Révolution, les 2/3 des hommes de Champtoceaux prennent part à la Guerre de Vendée dans l'armée catholique et royaliste placée sous les ordres de Charles de Bonchamps. Ce qui explique pourquoi la ville subira 3 passages de "colonnes infernales", ces armées républicaines venues rétablir "l'ordre". Tout est ravagé : l'église n'existe plus, les habitations principales sont détruites par les flammes, et 8,5 % de la population est tuée, soit 193 personnes !

      C'est à travers l'activité florissante de son port, que Châteauceaux renaît peu à peu ; les hommes sont alors souvent bateliers, meuniers ou aubergistes pour les voyageurs de passage. En 1821, le port de la Patache accueille les premiers bateaux à vapeur. Les produits échangés sont notamment le vin, les tuiles et les poteries venues du Fuilet. Au milieu du siècle, les mariniers fondent une mutuelle afin d'aider ceux qui seraient malades, accidentés ou autres. De nos jours, le port a totalement disparu, on ne le devine plus qu'à travers les dizaines d’embarcations de pêcheurs amateurs. Depuis le mouvement romantique très attiré par les ruines médiévales la commune encourage la redécouverte du riche passé de Champtoceaux.



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Ce que j'ai particulièrement apprécié :

+ le dynamisme et la mise en valeur du patrimoine de la commune. Les parcours de la coulée de la Luce en direction du port de la Patache, le bourg, la citadelle sont bien élaborés et ponctués ici et là de panneaux assez plaisants. Les personnes de l'office du tourisme sont très disponibles et dynamiques.

+ j'ai eu l'occasion d'y admirer mon premier moulin pendu médiéval (photographie en noir et blanc dans le diaporama). Jusqu'à la destruction de la citadelle, les arches abritaient des roues à aubes actionnant des meules à grains suivant le niveau de la Loire. D'où le nom de moulin pendu.

+ lorsque j'étais encore en histoire à l'université, nous avions eu la chance de participer à des fouilles sur ce site grâce à la maître de conférence Christine Mazzoli-Guintard. Donc je garde de bons souvenirs de ce lieu .

+ le parcours n'est pas surchargé de touristes. Une raison à cela, le relief est exigent (passage de 0 à 70 m sur une courte distance).

+ l'ambiance très "romantique" de ces ruines délaissées, de ces lieux autrefois empruntés par une foule importante et de nos jours isolés.

+ les vues dégagées. Depuis le temps que j'avais l'intention d'observer la tour d'Oudon "de loin" ! En plus, avec ce point de vue aménagé et classé Le Champalud, j'ai eu un bonus avec un large panorama sur la Loire jusqu'à Ancenis.


     Petits bémols cependant, une plaquette sur l'histoire de la commune où j'ai pu découvrir quelques erreurs ou approximations et surtout le ciel d'un bleu uniforme et un soleil de plomb qui ont lissé mes photographies. Un beau lever de soleil ou un ciel gris aurait été bien mieux. Ce n'est que partie remise... .


Pour aller plus loin :

ici, BOECKLER (Ph.), Champtoceaux, un bourg castral de frontière, Rennes, 2006.
ici, l'intéressant site de la commune.
ici, une vidéo de Madame Mazzoli-Guintard sur son sujet de prédilection Les villes d'Al Andalus.

H.M

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