Cette année, c'est le plus grand chantier industriel de Bretagne ! A proximité de
Carhaix et en bordure de l’axe central, l’usine Synutra élève ses
impressionnants bâtiments qui entreront en service en janvier 2016 pour
fournir du lait en poudre aux Chinois. Mais pourquoi viennent-ils ainsi
acheter de grandes quantités en Bretagne ? Le point en quelques réponses.
1. Peu de surfaces agricoles en Chine
Le territoire chinois est constitué de beaucoup de zones arides, montagneuses ou
désertiques, de surcroît le développement urbain, les conditions environnementales ont considérablement accrus l'érosion et donc la qualité des sols. La surface utile agricole n’est que de 7 %. C'est peu pour nourrir la population ou pratiquer de l’élevage laitier à
grande échelle. Les Chinois doivent donc s’approvisionner à l’étranger.
Avec 200 millions de petits fermiers peu rémunérés et des filières
encore mal structurées, il manquerait au moins 100 000 inspecteurs
sanitaires au pays : 15 % des consommateurs en Chine seraient ainsi
victimes chaque année d’intoxication alimentaire… . Et puis, traumatisé par le scandale du lait frelaté et contaminé par la mélanine
dont ont été victimes des centaines d’enfants, les Chinois ont perdu toute confiance
dans leurs producteurs locaux. Pour les plus aisés, ils se sont déjà tournés vers la
production étrangère.
3. Pourquoi la Bretagne et Carhaix ?
3. Pourquoi la Bretagne et Carhaix ?
La Nouvelle-Zélande, l’un
des plus gros producteurs agricoles mondiaux, répond à tous les critères de
qualité recherchés. Mais quand se produit l’inversion du
courant El Nino, le pays est parfois victime de grandes sécheresses, très
néfastes à la production laitière. Les Chinois ont donc écarté ce pays.
De plus, aux yeux des Chinois, la filière agro-alimentaire française est l’une des meilleurs
et des plus sûres du monde. N'oublions pas qu'aujourd'hui, les touristes chinois, quand ils
viennent en France, repartent souvent avec trois ou quatre boites de lait
en poudre dans leur bagage ! Les investisseurs chinois ont ainsi estimé que Carhaix, située au milieu d’un grand bassin laitier, offrait
la qualité et la quantité mais aussi
la sécurité d’approvisionnement.
4. Investissements chinois : atout ou handicap ?
Rappelons d'une part, qu'en ce qui concernent le lait, déjà par le passé, la Chine a purement et simplement suspendu ses approvisionnements dans
certains pays (forcer la renégociation des prix, rappeler son pouvoir de pression...). D'autre part, pour cause de surproduction mondiale, une crise laitière majeure est à prévoir, cette usine ne participe-t-elle pas alors à accroître de nouveau les quantités ?
Sauf qu'à Carhaix, les Chinois construisent, pour 160 millions d'euros, leur propre outil de production. 160 emplois seront créés, sans compter que les producteurs de lait breton pourront aussi écouler leur lait... . Enfin, les Chinois garantissent une permanence de leur demande à hauteur de 250 millions de litres/an (soit 6 % de la production annuelle bretonne) et peut-être 500 millions dans quelques années. En investissant de la sorte, on peut peut-être espérer une fidélité plus constante au marché
breton.
5. Le plus gros risque : l'effondrement des prix ?
Dans le contexte de la fin des quotas laitiers, certains producteurs
laitiers craignent que les prix soient tirés par le bas et que les Chinois
agissent fortement en ce sens. Rien n’est exclu mais il est probable
qu’il leur faudra payer le lait au cours mondial. Reste à savoir à quel
niveau il se situera quand la levée des quotas aura fait disparaître
certaines protections. La production massive de lait en poudre en Bretagne pour fournir l’une
des plus grosses usines laitières sera de toute façon soumise
aux diktats du marché mondial.
![]() |
Géographie de la production laitière dans le monde en 2012. |
Le nouveau complexe agro-industriel de Carhaix laisse beaucoup de questions en suspens. Si on se place par exemple du point de vue des Chinois, le " bon " lait en poudre breton, importé dans leur pays, sera-t-il réhydrater avec l'eau polluée par leurs industries ? Sachant qu'en 2004, on estimait que la pollution de l’eau était à l'origine de 118.000 morts chinois par cancer par an. Ce qui est certain : le lait en poudre de Carhaix ne résoudra ni le problème
de la qualité du lait chinois - le problème des Chinois est bien plus
l'eau que le lait -, ni n’échappera à cette crise mondiale de la
surproduction laitière.
Pour aller plus loin :
ici, Les instruments de gestion du marché du lait et des produits laitiers ont-ils atteint leurs principaux objectifs ? Par la Cour des comptes européenne, Luxembourg, rapport de 2009. Intéressant.
ici, Le chinois Synutra s'installe dans le Finistère, Les Échos, 13.01.2014.
Source de l'article ici, qui à été par la suite enrichi.
Source de l'article ici, qui à été par la suite enrichi.
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