L’exploitation de l’ardoise est ancienne en Bretagne, elle remonte au XVIème siècle dans la région de Châteaulin et au XVIème siècle dans celle de Mûr-de-Bretagne. Le passage de la couverture en chaume à celle en ardoise au cours du Second Empire va développer l’activité ardoisière dans la région. À son apogée, entre 1920 et 1935, cette industrie emploie plus d’un millier d’ouvriers.
Les débuts de l'exploitation
Au cours des XVème et XVIème siècles, les ardoises de Saint-Goazec et Laz
servent à couvrir la cathédrale de Quimper et celles de Châteaulin
l’église Saint-Maclou de Rouen. L’activité ardoisière se concentre à
cette époque sur la partie finistérienne du bassin de Châteaulin. Dans
les Côtes-d’Armor, on trouve mention, en 1636, de l’envoi par un
seigneur de Quelen de plusieurs charretiers " à la paroisse de Mezle
[Maël-Carhaix] située près le bourg de Locarn pour prendre livraison du
nombre de huit charretées d’ardoises […] ". Plus à l’est, à
Mûr-de-Bretagne, le seigneur de La Roche-Guéhennec mentionne des " perrières " en 1571.
Au milieu du XVIIIème siècle, l’industrie ardoisière se développe en
Finistère dans la région de Pleyben et Gouézec. L’extraction à ciel
ouvert, méthode utilisée depuis le Moyen Âge, est majoritairement
employée, mais parfois, on travaille sous voûte, c’est-à-dire dans une
chambre exploitée souterrainement, en descendant par un puits. L’ardoise
extraite est le plus souvent uniquement dégrossie et vendue à la
charretée aux couvreurs des environs qui la taillent eux-mêmes
De l'artisanat à l'industrie
À partir de 1850, l’activité se déplace vers l’est. En effet, à l’ouest,
les filons commencent à s’épuiser, d’autant plus que les carrières ne
sont exploitées qu’à une faible profondeur. À cette époque, le Finistère
compte toujours le plus grand nombre de carrières. Des exploitations
sont ouvertes le long du canal de Nantes à Brest. Dans les
Côtes-du-Nord, le principal centre ardoisier se situe près de Keriven en
Caurel, entre Mûr-de-Bretagne et Gouarec. En Morbihan, dans la région
de Gourin, seule l’ardoisière de Lannuon emploie une dizaine d’ouvriers.
Durant les 30 dernières années du XIXe siècle, un nombre important
d’ardoisières disparaît : les communes de Châteaulin, Port-Launay,
Saint-Coulitz, Saint-Segal, et Laz cessent d’exploiter. Seules les
carrières, les mieux exploitées et situées le long du canal de Nantes à
Brest, parviennent à se développer. Un certain nombre de fermetures sont
la conséquence de l’épuisement des filons et de la méconnaissance des
techniques d’exploitation. Toutefois l’ouverture du marché à la
concurrence du fait du développement du chemin de fer pose de nombreuses
difficultés aux carrières faiblement mécanisées. Après 1890, la
situation s’améliore. Si les ouvertures de carrière deviennent rares, le
nombre d’ouvriers augmente rapidement. Seules les carrières plus
modernes résistent.
Le développement des réseaux ferré puis routier au début du XXème siècle
entraîne le déplacement des centres ardoisiers vers Gourin, ainsi que
sur Motreff, Maël-Carhaix et Plévin. Durant la Première Guerre mondiale,
l’industrie, dans un premier temps désorganisée par la mobilisation, va
être sollicitée pour subvenir aux besoins de la guerre. La production
continue donc. La reconstruction profite aux ardoisières qui connaissent
durant les années 1920 une période de prospérité. Beaucoup
d’exploitants profitent de leurs bénéfices pour moderniser leurs
installations.
La crise des années 1930 frappe durement le secteur : en 1932, la
production française diminue de 51 %. Les carrières ferment une à une. Au
plus fort de la crise, il reste 14 exploitations en activité en
Bretagne. Après 1938, l’exploitation se concentre en basse Bretagne, à
la frontière entre Finistère, Côtes-du-Nord et Morbihan. Le marché se
maintient grâce à la consommation bretonne et à la réputation de qualité
de l’ardoise. Toutefois, la concurrence de l’ardoise d’Anjou
s’intensifie. Au début des années 1940, cette dernière a un
quasi-monopole sur le marché français.
La fin des ardoisières bretonnes ?
En 1945, la situation des ardoisières bretonnes est très difficile. Si
l’Ouest de la France fournit 74 à 80 % de la production nationale en
1952, les centres participant à la Reconstruction sont essentiellement
ceux de Maine-et-Loire et de l’Anjou. Les ardoisières de Bretagne, quant
à elles, ne produisent plus que 4 à 5 % de la production nationale. À
Maël-Carhaix, seule l’ardoisière de Moulin-Lande continue à fonctionner.
Elle devient l’exploitation bretonne la plus importante. Son équipement
en fait une des rares exploitations véritablement industrielles de
Bretagne. Jusqu’aux années 1960, production et effectifs restent
relativement stables. Mais en 1970, la carrière n’emploie plus que 68
personnes. Cela est essentiellement dû à la chute des commandes, mais
aussi à la difficulté de recrutement de nouveaux ouvriers. En 1984, la
carrière est contrainte de fermer. Rouverte en 1988, elle emploie alors
une trentaine de personnes et a été très mécanisée : haveuse sur rail,
machines de découpe au laser. Mais, malgré un schiste de très bonne
qualité, elle ferme définitivement en avril 2000.
L’ardoise rustique, production originale longtemps concentrée dans les
monts d’Arrée, a résisté et survit dans une «niche». Les carrières
fournissent en ardoises Monuments historiques et particuliers
passionnés. Elles produisent aussi du dallage. La région de Plévin a
compté jusqu’à 19 ardoisières. À partir des années 1970, elle connaît
une reconversion dans l’ardoise rustique. Plusieurs carriers ouvrent ou
reprennent de petites exploitations à ciel ouvert. Aujourd’hui, les
ardoisières Guyomarc’h et Corvellec, employant 5 personnes, sont
toujours exploitées. Pour combien de temps encore ?
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