Les "pays" de Bretagne : une entité territoriale encore présente dans le paysage breton.

      Trégor, Cornouaille, Léon qui n'a jamais entendu ses noms ? Leur existence remonte à la nuit des temps puisque les pays de Bretagne, en breton bro (plu. broioù) sont en effet les entités territoriales traditionnelles de la région. Par traditionnel, comprenons un découpage territorial comme base de toutes ou presque les organisations culturelles, fiscales, économiques, politiques, religieuses, militaires de l'histoire de la Bretagne. Ainsi, leurs frontières correspondent en grande partie aux frontières des anciens évêchés mais leur sont antérieurs (VIe), la richesse que constituent la multitude des habits "historiques" provient généralement de cette différenciation géographique, sous l'Ancien Régime, la conscription des hommes s'effectuait souvent par pays, de même que la levée des impôts, l'exercice de la justice  etc...

LES PAYS HISTORIQUES

     Les pays historiques se sont constitués au gré des évènements historiques entre les Ve et Xe siècles. La division du VIe reprendrait pour partie (mais seulement en partie) les limites des anciens "peuples" romanisés : les Osismes, les Coriosolites, les Riedones, les Vénètes et les Namnètes (voir carte ci-contre). Il ne faudrait pas croire que les Bretons eux-mêmes en ait toujours une représentation nette avec des frontières marquées. Mais parce que ces unités "administratives" et humaines étaient cohérentes et parce qu'elles contrastaient par rapport aux territoires féodaux où l'instabilité prévalait, ces pays se sont maintenus pendant plus de 1 500 ans !

      Les pays historiques sont au nombre de 9 : Léon, Tregor, Cornouaille, pays de Saint-Brieuc, Vannetais, pays de Saint-Malo, pays de Dol, pays rennais et pays nantais. D'ailleurs pourquoi le drapeau moderne de la Bretagne (le gwenn ha du), est-il composé de neuf bandes, noires ou blanches ? Tout simplement parce que chaque pays y est représenté !


     Ce n'est qu'avec la création des départements en 1790 que les réalités administratives, judiciaires, et fiscales des pays historiques bretons sont peu à peu "brisées". Néanmoins, les pays historiques perdurent encore aujourd'hui dans les esprits, dans les identités culturelles et plus largement dans le paysage visuel et auditif des Bretons ("Tu es d'où ?" "Je suis du Tregor", le nom de certains groupes musicaux, le nom d'entreprises etc...).





LES PAYS TRADITIONNELS

     Les pays traditionnels sont des subdivisions aux pays. En effet, sous l'Ancien Régime et auparavant, un paysan breton ne s'aventurant guère à plus d'une journée à cheval de son lieu de vie, ainsi les pays historiques étaient une unité géographiques bien trop vaste à l'échelle d'un individu. Et puis, la variété des activités économiques, des usages et coutumes, de l'agriculture ... ont également participé à la création d'unités géographiques "plus petites".

     Ces pays dit traditionnels n'ont pas de limites réellement fixées et ils sont de taille très diverses. Ils synthétisaient des types de danses, de musiques ou d'habits, des habitudes linguistiques et une histoire local qui se rapprochaient ou présentaient une cohérence. Combien sont-ils ? Plus d'une cinquantaine environ. Aujourd'hui, ils n'ont aucune existence légale mais eux-aussi sont restés vivants dans les esprits.
     Je partagerai ici une anecdote. Il y a quelques années, lors d'une discussion avec une sexagénaire, nous avons évoqué ses origines en Cornouaille, comme celles de mes grands-parents. A l'époque, je ne connaissais que vaguement la géographie régionale et j'ai commis une petite erreur en attribuant le nom "pays Bigouden" à sa ville natale. Aussitôt, la petite dame s'est offusquée en me disant non sans tendresse "ah non jeune fille, mon pays, c'est la pays Glazig ! Ce n'est pas pareil".




Exemple de pays traditionnels  :

- le pays pagan (nd-ouest du 29) : vient de "païens" ou "paganis". Ce pays était réputé par ses hommes dont l'activité nocturne était de faire échouer les navires sur les rochers afin d'en piller les cales.
- le pays rouzig (29) : de "roux", la couleur des étoffes en lin de leurs habitants masculins.
- le pays glazig  évoqué ci-dessus : de "glaz" bleu et de "ig" diminutif. Les hommes étaient vêtus d'un drap bleu.
- la Mée dans le pays nantais : signifie "pays du milieu" en gallo. C'est la région de Châteaubriant qui séparait jadis les comtés de Nantes et de Rennes.
- le pays de Retz dans le pays nantais : cette contrée de marais faisait preuve d'un particularisme qui la mettait souvent en conflit avec les ducs de Bretagne. La capitale et le fief de la puissante famille De Retz était Machecoul.


     En juin 1999, la loi LOADDT dite Voynet (bien connue des aménageurs), créée des "pays" sur l'ensemble des territoires français. Je ne m'étendrai pas ici sur les finalités espérées. Toujours est-il qu'il existe actuellement 26 pays en Bretagne, sans grande réalité pour la plupart d'ailleurs.

     Toutefois, le sentiment moderne des "pays d'appartenance", réalité socio-économique et culturelle indéniable, peut s'appuyer sur des fondements solides et éprouvés en Bretagne. A l'heure de la redéfinition des espaces régionaux européens, l'ancienneté et la validité de ce tissu sont donc un atout supplémentaire pour une Bretagne consciente d'elle-même.


Pour aller plus loin :
BOLDORE-PENLAEZ (M.), KERVELLA (D.), Atlas de Bretagne - Atlas Breizh : géographie, culture, histoire, démographie, économie, territoires de vie des Bretons, Spézet, 2011. Assez passionnant, les deux dernières cartes en sont extraites.
JOUET (P.), DELORME (K.), Atlas historique des Pays et terroirs de Bretagne, Morlaix, 152 pp, 2007. Très beau livre.

E.M

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