Chapitre 3 : Le Néolithique en Bretagne (- 5 000 - 2 000 avant notre ère).

     Le passage du mésolithique au néolithique est marqué par un changement fondamental dans le mode de vie : l'acquisition et la maitrise de la production par l'agriculture et l'élevage, qui permettent une sédentarisation plus poussée. Ce passage s'effectue de façon progressive en Bretagne selon les groupes de population des VIème et Vème millénaires avant notre ère. L'apparition du nouveau mode de vie s'accompagne également de la fabrication des premières céramiques, poteries servant à conserver et préparer l'alimentation.



LES MONUMENTS ET L'ART FUNÉRAIRES MEGALITHIQUES

     En Bretagne, le mode de vie néolithique semble provenir d'influences extérieures, des régions danubiennes propagée dans la péninsule bretonne par la vallée de la Loire. Et les échanges s'effectuent aussi dans l'autre sens, au mode de vie continental, se greffe des éléments spécifiques de type atlantique. L'élément le plus spectaculaire est la construction d'énormes sépultures mégalithiques, les plus anciennes d'Europe (pour mémoire 2 000 ans avant les premières pyramides et les tombes de Mycènes).

Grand tumulus de Barnenez (vue aérienne et croquis).


     L'archétype de ces monuments est le grand tumulus de Barnenez dans le Finistère construit à partir de - 4 600. Dominant l'estuaire de la rivière de Morlaix, il se compose de six chambres formées avec des parois et un toit d'énormes blocs de pierres. Le tout était recouvert de terre formant un monticule de plus de 8 mètres de haut. Ce monument à lui seul démontre l'existence de véritables collaborations de populations stabilisées pour la réalisation d'un édifice. L'autre rôle de ces monuments était certainement de servir de repères, de marquer le territoire comme le feront plus tard les églises. Enfin dernier élément explicatif, mobiliser tant d'hommes et de temps pour la construction de ces ensembles "non rentables" prouvent que ces sociétés bénéficiaient de sources d'approvisionnement alimentaire suffisantes et régulières.
A noter que "cet énorme "tas de cailloux" faillit disparaitre sous la pioche d'un entrepreneur pour les besoins d'une route touristique en 1955 ! " p 14 Des mégalithes aux cathédrales. op. cit. Racheté depuis par l’État, il fait partie des monuments historiques les plus visités d'Europe pendant la décennie 1970. 

Cairn "angevin" de la Roche aux Fées à Essé (35) vers - 3 000 av.
     La côte de Cornouaille est aussi bien pourvue en "cairns", ces ensembles de couloirs et de chambres en pierre. La chambre de Run-Aour ayant même la particularité d'avoir deux couloirs. La densité dans le Morbihan est particulièrement importante, surtout dans le Golfe. Cette série d'édifices imposants se prolonge en Loire-Atlantique à l'image de celui de Dissignac près de Saint Saint-Nazaire. A l'intérieur d'une chambre de ce dernier, il existe des gravures représentant des haches et des crosses, et des symboles religieux retrouvés également dans le Morbihan. Dans la période récente du Néolithique, les édifices vont évoluer différemment selon le lieux et les groupes, les couloirs et les chambres allant du plan "basique" au plan très compliqué. Par exemple, un autre type de tumulus, qualifié de "tertre tumulaire" est lié à la pratique de l'incinération des morts. Ces constructions font parfois plus de 100 mètres de long (celui d'Er-Grah à Locmariaquer fait 200 m !) et elles renferment un important mobilier funéraire. Le plus remarquable est sans doute le tumulus de Tossen-Keler à Penvenan (22) constitué de 58 blocs dressés et dessinant un fer de cheval de 50 m de diamètre et de 10 m de haut. A l'intérieur des foyers ont été datés de - 3 000 avant notre ère. Pour ceux qui sont intéressés, j'indiquerai  à la fin les pages des livres qui détaillent les différents types de cairns et les exemples concrets comme le type dit "angevin" et l'énorme cairn de la Roche aux Fées etc... . ici, en photographies personnelles, un autre exemple de sépulture (Tumulus de Tumiac dans le Morbihan méridional).

Intérieur sculpté de Gavrinis (56). Photographie de D Ademas pour O-France 2009.


     L'art funéraire a été retrouvé sur les parois des premiers édifices, ce sont des gravures soulignées par des traits rainurés. On a déjà évoqué les haches, il faut aussi parler des arcs, des serpents ou des représentations de barques, de soleil, des sortes d'empreintes de pied. L'art abstrait est difficilement interprétable : la mer serait-elle représentée par des signes ondulés ? Des ensembles de traits pourraient-ils être un ancien cadastre ? Ainsi, beaucoup d'incertitudes persistent. Autre art retrouvé : les nombreuses Déesse-mère (avec des variantes importantes). Souvent très schématisée pour notre regard, elle s'identifie souvent par les "seins" ou par des lignes symbolisant les cheveux. 



     " Étrange, varié, souvent inexpliqué, l'art dolménique breton se rapproche de celui d'Irlande. Ceci préfigurent d'une communauté préfigurant celles des Pays celtiques, dues à des relations maritimes fréquentes." Des Mégalithes aux Cathédrales op.cit. 


LES MENHIRS ET LES ALIGNEMENTS

     Le menhir du breton "pierres longues" est une pierre dressée dont le rôle était sans doute multiple : indications de sépultures, repères sur une crête, ou encore en lien avec une source et le culte des eaux. Les matières divergent également selon les matières premières disponibles : bloc granitique, schiste, ou quartz. La densité de menhir debout la plus importante se situe dans le Léon, notamment à Plouarzel (9,50 m). Le plus spectaculaire semble être celui de Locmariaquer (21 m) mais il a été brisé en 5 parties. Ce Men-er-Rhoeg ou "pierre de la fée" pesait vraisemblablement 350 t. Quelques-uns de ces blocs de pierre ont été eux-aussi gravés de haches... .

"Observatoire astronomique" de Saint-Just (35).
     Les alignements sont constitués de menhirs associés et déterminant généralement des repères astronomiques. L'association peut être simple comme à Landéan près de Fougères et aussi beaucoup plus complexe. Les interprétations sont alors plus délicates. Leur vocation est sans doute liée au culte solaire ou lunaire avec le repérage des solstices et équinoxes. Les alignements les plus célèbres sont naturellement ceux de Carnac mais ils ne sont pas les seuls.


     Les cercles ne sont pas des alignements mais des regroupements circulaires parfois dans la proximité des alignements. Le plus significatif est celui semi-immergé d'Er Lannic dans le Morbihan.


LA VIE ÉCONOMIQUE AU NÉOLITHIQUE

     Que connaissons-nous des activités au Néolithique ? Peu de choses hormis les mégalithes. Quelques camps comme celui de Quiberon sont identifiés grâce à des traces de poteaux de maisons. Ils se situent généralement sur des sites naturellement protégés (colline) ce qui peut laisser croire à des affrontements entre groupes rivaux. A Machecoul (44), une partie de l'enclos fortifié a été retrouvé lors des fouilles de 1971. Les côtes sont l'autre zone de peuplement car la mer fournissait une bonne source de nourriture et un vecteur d'échanges maritimes. 
     Il est probable que des bovins et des ovins aient été élevé dans des clairières formées par des espaces de forêts brûlées. De même, l'agriculture est attestée par les dernières analyses polliniques, les cultures succédant au bétail dans les mêmes espaces enrichis. Ainsi, dans certains tumulus des graines de blé ont été retrouvé ainsi que des sortes de meules. Autres sources de nourriture, la récolte et la chasse.

Haches néolithique (vers -3 000) retrouvées près de Saint Nazaire, collection du musée Dobrée, Nantes.

     Mais pour tuer facilement les animaux, une industrie de haches voit le jour. Elles sont généralement polies et élaborées à partir de roches volcaniques (la dolérite ou la hornblendite). Deux zones sont particulièrement concernées en Bretagne : d'une part celle près de Plussulien (22) et d'autre part celle des environs de Pleuven (29). Ces objets de luxe sont produites en grande quantité (6 millions environ à Plussulien sur moins de 2 000 ans) et "exportées" dans la région et dans le reste de la France via les fleuves. Certaines ont même été retrouvé jusqu'aux Pays-Bas. En revanche, la région n'était que faiblement dotée en grand silex, importés, ils servaient à la production de couteaux. 

     Enfin, la production de céramique est elle aussi importante. Mais des objets provenant de l'Oise et même du Danemark sont autant d'indices qu'il existe des échanges commerciaux à travers l'Europe. Preuve aussi que la Bretagne était parfaitement intégrée dans l'ensemble des civilisations mégalithiques atlantiques.

A suivre :

ici, Chapitre 4 : L'âge du Bronze en Bretagne.

Précédemment :

ici Chapitre 1 : le Paléolithique en Bretagne (- 7 000 000, - 10 000 av. notre ère).
ici Chapitre 2 : Le Mésolithique en Bretagne (- 10 000,- 5 000 av. notre ère).


Pour aller plus loin :

BRIARD (J.), La préhistoire de la Bretagne, dans Des mégalithes aux cathédrales, Morlaix, p 14-22. Les illustrations sont intéressantes et aident à la compréhension.
GIOT (R.), L'HELGOUAC'H (J.), Préhistoire de la Bretagne, Rennes, 1998.
GUILAINE (J.), (dir.), Sépultures d'Occident et genèses des mégalithismes, Paris, 1998.
H.M

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