La vigne a été cultivée de manière
pérenne et visible [...] (ou) plus
ponctuelle et fugace. Pourtant, c’est le cidre qui est associé à l’image
de la Bretagne. L’idée que la vigne ait pu être cultivée en Bretagne paraît incongrue, sauf peut-être dans le pays nantais où elle est toujours présente.
La vallée de la Rance
Dans le vignoble le plus septentrional de la vallée de la Rance, la culture de la vigne n’est plus mentionnée après le XVIIIème siècle. Sa présence est pourtant attestée formellement par les archives à partir du XIème
siècle autour de Dinan, sur les deux rives de la Rance jusqu’à la mer
et dans tout le Clos Poulet. Les raisons de sa disparition ne sont pas
clairement établies, mais il paraît probable que les importations de
vins parisiens, poitevins et bordelais, réputés meilleurs que les vins locaux,
en soient la cause.
Autour du golfe du Morbihan
En presqu’île de Rhuys, l’arrivée de la vigne n’est pas non plus
datable précisément ; saint Gildas y est-il pour quelque chose ?
Peut-être ! La vigne est attestée au début du XVIème siècle et
sa culture perdurera jusqu’en 1993, date de la dernière déclaration de
récolte officielle. La période faste du vignoble se
situe à la fin du XIXème siècle quand les vignerons se convertissent à la
fabrication d’eaux-de-vie (elles connurent un réel succès d’estime avec
notamment la « fine de Rhuys »). Cette mutation s’effectua à la faveur de
l’éradication, par le phylloxéra, du vignoble de Cognac. Le parasite atteint à son tour le vignoble rhuysien en 1903. Sa
reconstitution après la Première Guerre mondiale sera insignifiante et
constituée de plants hybrides condamnés à
l’arrachage.
<--- La Mignonette fine de Rhuys. Musée des arts, métiers et commerces. Largueven, Saint-Gildas-de-Rhuys - Philippe Lanoë.
La basse-vallée de la Vilaine
Il est réaliste de
penser que les moines de l’abbaye de Saint-Sauveur (832) ont été les
premiers vignerons locaux, même si le cartulaire de l’abbaye mentionne
surtout des propriétés viticoles éloignées, dans la presqu’île
guérandaise ou le pays de Retz. Redon port
de mer et avant-port de Rennes, cette situation a sûrement joué contre
sa viticulture en permettant l’arrivée de vins exogènes (bordelais
notamment) de meilleure qualité que les vins locaux. La vigne a fait partie du paysage local jusqu'aux alentours de 1950, mais déjà au début du XIXème
siècle le vignoble ne comptait guère plus de 300 hectares.
Le pays guérandais
Plus au sud, dans la presqu’île de Guérande, la vigne est également cultivée
depuis le Moyen Âge. Un fructueux commerce avec,
notamment, l’Angleterre, est alimenté pour le vin produit localement, autant que le vin importé de
Bordeaux par la marine guérandaise. La mention la plus ancienne de la viticulture date de 831 : il
s’agit d’une pièce de terre appartenant à l’abbaye Saint-Sauveur de
Redon située à Piriac. À la fin du Moyen Âge, la production locale de
vin est estimée à près de 20 000 hectolitres. Le pineau d’Aunis, cépage
d’origine angevine, y a été introduit par les bénédictins de l’abbaye de
Saint-Florent-le-Vieil au prieuré d’Escoublac.
Le vignoble local s’étire sur le flanc du
coteau qui s’étire de Piriac à La Baule.
L’exposition sud-ouest de ce coteau conjuguée à l’inclinaison du
terrain constituent des facteurs favorables à la culture de la vigne.
Certains clos acquièrent une réelle réputation locale (Congor, Clos de
Rignac). L’encépagement de ce
vignoble apparaît diversifié et original, contrairement aux autres
vignobles bretons. Un effet de l’ouverture sur la mer ? Peut-être. Comme
ses voisins de Rhuys et Redon, le vignoble guérandais disparaîtra vers
la fin du XXème siècle, après avoir été détruit par le
phylloxéra vers 1890 et reconstitué en hybrides dont
la culture et l’utilisation seront progressivement interdites.
Le Pays nantais
Le vignoble nantais se distingue des précédents par sa taille (environ 17 000 ha), qui explique aussi sa survivance. Il émerge cependant d’une longue période difficile au plan économique.
Depuis la
fin du XVIème siècle jusqu’à la Révolution, le pays nantais est un vignoble
producteur d’eau-de-vie constitué majoritairement de gros-plant. Jusqu’à
l’apparition du phylloxéra (1884), ce même vignoble produira des petits
vins consommés sur place, ou plus largement dans le reste de la Bretagne et en Vendée. L’essor du muscadet et des vins de
qualité date de la décennie 1920, sans oublier le
passage en AOC des muscadets dès 1936. Aujourd’hui, plus de la moitié de la production est constituée de vins fins (AOC). En 2011, sont parus les décrets
concernant les premières appellations communales : Clisson, Gorges, Le
Pallet ; une demi-douzaine d’autres devraient suivre, consacrant ce 3ème niveau de qualité auquel les consommateurs devraient plus s’intéresser.
Même lorsque la vigne a déserté les lieux, tous les territoires bretons évoqués portent aujourd’hui
des traces de la vigne dans les toponymes des lieux-dits ou les
parcelles cadastrales. Aujourd'hui, certaines
vignes sont exploitées avec de réelles ambitions qualitatives et les exploitants produisent des vins bien mieux qu’honorables, surprenant des dégustateurs patentés !
Verra-t-on planter de nouvelles vignes en Bretagne ? C’est bien
possible et c’est en partie une réalité, au travers de quelques
douzaines de vignes patrimoniales constituées au cours des vingt
dernières années. Ces vignes sans objectif mercantile constituent un
ciment social dans les quartiers et villages où elles sont implantées,
dans la mesure où leur exploitation donne lieu à des travaux collectifs
et des réunions festives, tout particulièrement lors des vendanges.
Pour aller plus loin :
ici, Les vins bretons de Loire Atlantique (le titre originel de l'article ne signifiant pas grand chose), France 3 Bretagne, 18 février 2014.
ici, Alle (G.), Vignes en Bretagne. Un renouveau qui inquiète, ARMEN n° 184.
Bourrigaud (R.), Rien que notre dû ! Le combat des vignerons au pays du muscadet (1891-1914), Nantes, 2013.
Craneguy (M.), Histoires de vignes en Rhuys, Sarzeau, Au vent de l’histoire, 2000.
De Camiran (J.), Le vignoble du pays nantais, Nantes, La presse de l’Ouest, 1937.
Delanoë (D.), Pujol (R.), Voyage dans les grands muscadets à travers terroirs et saveurs, Brissac, 2004.
Guyot (J.), La viticulture de l’ouest de la France, t. 2 et 3, Paris, Impr. Impériale, 1866.Huriez (H.), Le vignoble nantais (Muscadet de Sèvre-et-Maine), Paris, Dunod, 1949.
Mainet-Delair (N.), Vins et négociants d’Aquitaine vers la Bretagne finistérienne de 1660 à 1795, Nantes, Coiffard, 2007.
Picoron (J.Y.), Au pays du muscadet, Montreuil-Bellay, 1999.
Saindrenan (G.), La vigne et le vin en Bretagne : chronique des vignobles armoricains : origines, activité, disparitions et réussites du Finistère au Pays nantais, Spézet, Coop Breizh, 2011. Ouvrage de référence.
Schirmer (R.), Muscadet. Histoire et géographie du vignoble nantais, Bordeaux, 2010.
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