Morbihan

Ce qu’il fut fait a ceux des miens,
Qui fut exigé de leurs mains,
Du dos cassé, des reins vrillés.

Vieille à trente ans, morte à vingt ans,
Quand le regard avait pour âge
L’âge qu’on a pour vivre clair,

Ce qui fut fait a ceux des miens,
Pas de terre assez pour manger,
Pas de terre assez pour chanter

Et c’est la terre ou c’est la mer,
Le travail qui n’est pas pour soi,
La maison qui n’est pas pour toi,

Quatorze pour les rassembler,
L’armistice pour les pleurer,
L’alcool vendu pour les calmer,

Un peu d’amour pour commencer,
Quelques années pour s’étonner,
Quelques années pour supporter,

Je ne peux pas le pardonner.

Guillevic Eugène (1907-1997), Sphère, Paris, 1963


        Ce poème est un poème formé de 6 tercets et d’un ver en octosyllabes, dont la rime est formée ainsi : AAB, CDE, ABB, EFF, EEE, EEE, E. Ce type de rime n’est pas courant et il s’y forme une certaine irrégularité dans les rimes. Dénonçant la guerre sans décrire le front ou les combats, ce poème évoque les difficultés, les douleurs, les absences qu’éprouvaient les femmes à l’arrière.

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