22 et 23 août 851 : les Bretons triomphent des Francs à la bataille de Jengland



Le contexte favorable aux Bretons

        Nombreux sont ceux qui connaissent " Tad ar Vro ", Nominoë, celui par qui la Bretagne s'est unie pour bouter hors de ses frontières les troupes franques (Cf. la bataille de Ballon à Bains-sur-Oust en 845). Sa disparition le 7 mars 851 est une aubaine pour le roi des Francs, Charles II le Chauve, lequel, défaits par deux fois avait dû renoncer à ses prétentions sur l’Armorique. Il ne comptait pas de si tôt se frotter aux cavaliers emmenés par un chef de guerre hors pair…

        Après avoir consulter ses frères Lothaire et Louis en mai 851 à Meersen (Pays-Bas), le roi franc, petit-fils de Charlemagne, prépare donc ses troupes dans la vallée du Loir, autour de Lézigné pour asseoir son autorité sur la Bretagne. De leur côté, les Bretons pouvaient compter sur un nouveau chef, Erispoë, fils de Nominoë, lequel affirme son pouvoir d’héritier. Levant une armée, il traverse la Vilaine, attendant les Francs sur les terres du Grand-Fougeray, entre Rennes et Nantes. Nous sommes le 16 août, Charles le Chauves a pris le risque d’attendre un mois et demi pour livrer bataille. Le roi francs craint le fils de Nominoë : a t-il hérité de ses talents de chef ? En outre, il apprend que Lambert (ancien Comte de Nantes qu’il déposséda de son comté), pourtant d’ascendance franque, fait désormais alliance avec Erispoë. Espère-t-il que les Bretons viennent attaquer son camp retranché à Juvardeil en Anjou ? Mais Erispoë choisi la prudence en choisissant l’attente. Charles le Chauve se trouve ainsi dans l’obligation d’avancer plus à l’ouest, optant pour la voie d’Angers à Carhaix puisque les vois plus méridionales sont aux mains de l'ancien comte de Nantes. L’armée franque se retrouve face aux troupes bretonnes, lesquelles avaient eu loisirs de se préparer à livrer bataille près du Grand-Fougeray ou au pont de Beslé…


La bataille de Jengland (22-23 août)

        Pourquoi modifier une tactique qui a fait ses preuves ? A l'image de son père, Erispoë compte sur la mobilité de sa cavalerie pour prendre l’avantage et semer le désordre dans les rangs ennemis, essentiellement composés de troupes à pied. Les forces en présence estimées : après son échec cuisant du Ballon, Charles cherche à éviter de commettre deux fois la même erreur en se présentant avec trop peu d’hommes, même s’il sait les Bretons peu nombreux. Il mobilise environ 4 à 6.000 hommes dont des mercenaires saxons et sans doute 10 % de cavalerie lourde. En face, chez les Bretons, sans doute un peu moins de 1.000 cavaliers légers, très mobiles et aguerris.

        En ce 22 août, lors des premières heures de la bataille, la cavalerie bretonne créer une débandade chez l'ennemi : selon le récit de Réginon de Prüm, la première ligne franque composée de mercenaires Saxons pourtant habitués à la guerre de mouvement, se réfugie derrière la seconde ligne. En infériorité numérique, Erispoë mise sur l'évitement d'un corps-à-corps, ses troupes harcèlent au javelot l'armée adversaire pendant que sa cavalerie dissuade tout rapprochement ennemie. Malin, il provoque également de fausses retraites incitant les troupes franques à la poursuite désorganisée. Les pertes sont catastrophiques chez les Francs, d’importants dignitaires francs sont tués (notamment le Comte Vivien de Tours, le Comte palatin...). Au soir du 23 août, les meilleurs éléments de l'armée royale sont morts, si bien que Charles II profite de la nuit pour s'enfuir. Au petit-matin, les Bretons investissent le camp adverse, ils y pillent les richesses abandonnées et y massacre les survivants.


Les conséquences en Bretagne et pour le royaume des Francs : le traité d'Angers

        Défait une nouvelle fois contre les troupes bretonnes, Charles le Chauve abandonne l’idée de soumettre ces terres occidentales, d'autant plus que d’autres fronts requiert son attention. Il accepte donc de rencontrer son homologue à Angers, ville située aux limites de l'avancée bretonne. 

        Par cet accord d'Angers, le souverain franc reconnait Erispoë, roi de Bretagne, il s'engage également à ne plus contester l'appartenance au royaume breton des Comtés de Rennes, de Nantes ainsi que le pays de Retz. Les frontières bretonnes sont délimitées ! Face aux pressions des Normands pillant les côtes franques et bretonnes, les deux souverains mettent fin à leur confrontation en privilégiant une paix (et non une alliance !).


Épilogue : en novembre 857, le roi de Bretagne Erispoë est assassiné par son cousin et successeur Salaün (Salomon). Ce dernier ne tardera pas à dénoncer le traité d'Angers en lançant, dès 863, ses troupes sur le royaume franc jusqu'à Orléans.

Pour en savoir plus :

Chédeville (A.), Guillotel (H.), La Bretagne des saints et des rois Vème-Xème siècle. Rennes, 1984.
Le Page (D.), (dir.), 11 Batailles qui ont fait la Bretagne, Morlaix, 2015.
Meunier (J.), Les Marches de Bretagne - Tome 2 - Erispoë - Le Fils du Libérateur, 2017.
Riché (P.), Les Carolingiens, une famille qui fit l'Europe, Paris, 1997.


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