Préambule : Pour ou contre l'aéroport : qu'en penser avant le référendum du 26 juin ?
Épisode 1 : Le transfert de l'aéroport de la métropole nantaise, un projet qui vient de loin (1966 !)
I). Les premières opérations et les premières luttes (1970-1980)
Dès le début des années 1970, les populations locales et des élus réagissent
au projet élaboré en 1966. En mai 1970, le journal Ouest-France publie
un entretien avec le sénateur gaulliste Michel Chauty (futur maire de
Nantes 1983-1989), de retour des États-Unis, où il a enquêté, à
la tête d'une commission sénatoriale, sur les transports aériens. Il
déclare que le projet n'est pas suffisamment ambitieux, qu'il faudrait
disposer de 7.000 hectares et générer ainsi 40.000 emplois. Il ajoute
que l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes pourrait être « le Rotterdam
aérien de l'Europe par la création d'un aéroport international de fret
».
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De Legge (J.), Le Guen (R.), 1976. |
En 1972, le préfet Camous peut déclarer « l'aéroport international
est en piste ». L'arrêté de création de la ZAD (zone d'aménagement différé)
aéroportuaire, en date du 11 janvier 1974, s'applique à 1.200 hectares à
cheval sur 4 communes, dont l'essentiel sur le territoire de
Notre-Dame-des-Landes. Les terrains sont acquis progressivement par le
Conseil général de Loire-Atlantique. La mise en service du Concorde,
dont les premiers vols commerciaux ont lieu en 1976, renforce le projet.
Pour éviter les nuisances sonores lors du passage du supersonique,
l'idée des experts est de repousser de Paris à Nantes les départs des
vols transatlantiques. On sait ce qu'il est advenu de l'aventure du
Concorde ...
Les exploitants agricoles en place bénéficient de baux précaires
renouvelables uniquement par le Conseil général. Comme dans toute opération
de ce type, une association de défense des exploitations agricoles
concernées par le périmètre de la ZAD est mise en place dès 1972, c'est
l'ADECA. En 1976, sous la double signature d'un jeune agronome, Roger Le
Guen, et d'un journaliste, Jean de Legge, un ouvrage fort bien
documenté relate, sous la forme d'un pamphlet, les origines du projet,
ses enjeux et le rôle des différents acteurs, en particulier celui de
l'administration et des notables face au monde agricole. Sous un titre
évocateur : « Dégage !... on aménage », il contribue à
populariser le combat des opposants. L'argumentaire utilisé en 1976 par
les défenseurs du site choisi est peu ou prou celui que l'on retrouve
aujourd'hui.
II). La mise en sommeil du projet (1980-2000)
La mise en sommeil du projet prévu pour une mise en service en 1985 au plus tard s'explique
par plusieurs raisons :
- les crises pétrolières de 1973 et 1979,
- les
courbes du trafic de l'aéroport de Château Bougon - rebaptisé Nantes
Atlantique -,
- l'arrivée du TGV en 1989 à Nantes.
Certes, une bonne
partie des terrains a été acquise par le Conseil général qui en fait
une réserve foncière laquelle pourrait servir, qui sait, à d'autres
usages. Parallèlement, les élus et la DDE (Direction départementale de l’Équipement) délivrent volontiers des permis de construire autour du futur aéroport : on ne peut geler pendant des années le développement
périurbain à proximité de la métropole. Pendant toute cette période, les populations des communes voisines de
Notre-Dame-des-Landes augmentent rapidement. Lotissements et maisons
isolées, peuplés de citadins à la recherche de terrains à de prix
accessibles, se multiplient. La proximité de Nantes, et la mise en
service à deux fois deux voies des axes routiers de Rennes (N 137) et de
Vannes (N 165), font de ces communes des lieux attractifs pour les
périurbains. Élus, agents immobiliers et administrations laissent
entendre que le projet ne verra jamais le jour, et délivrent sans
contrainte les permis de construire, tandis que le Conseil général ouvre
des écoles et bientôt des collèges, au mépris du principe de
précaution.
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La pression autour de Notre-Dame-des-Landes est conséquente (+ 1,8 % en moyenne de taux de croissance annuelle à Treillières entre 1968 et 2008). |
En 1994, la question du troisième aéroport parisien est posée au plan
national, avec les manifestations des riverains d'Orly et la saturation
annoncée de l'aéroport de Roissy qui fête ses 20 ans. Le ministre
Bernard Bosson a exclu que Roissy, qui accueille, en 1994, 70.000
passagers par jour, atteigne un jour les 80 millions de passagers par
an. Les élus de la municipalité nantaise, du Conseil général de
Loire-Atlantique, du Conseil régional des Pays de Loire et du Conseil
général d'Ille-et-Vilaine poussent la candidature de
Notre-Dame-des-Landes au rôle de troisième aéroport dit " de délestage ",
comme le font en même temps d'autres sites plus proches de Paris en
Picardie, en Champagne et près de Chartres. Le journal Ouest-France du 5 octobre 1994 confirme que :
« C'est dans ce contexte que le vieux (déjà !) projet de l'Ouest soutenu officiellement depuis 1989 par le conseil général de Loire-Atlantique refait surface. Il est soutenu par un trio de choc : le président du Conseil régional (Olivier Guichard), le maire de Nantes (Jean-Marc Ayrault) et le président de la chambre de commerce. Même si cette candidature suscite des grincements de dents à Rennes et à Brest qui misent sur leur propre aéroport, celle-ci a les faveurs de la DATAR … Suite au prochain épisode ».
III). De la relance du projet à la proclamation de la déclaration d'utilité publique (2000- 2008)
Il faut attendre l'an 2000 pour que le projet soit relancé par le gouvernement de Lionel Jospin,
avec son inscription au Schéma de Services Collectifs de Transports par
substitution des installations de Nantes Atlantique. Il s'agit encore du projet de troisième aéroport
parisien. En décembre 2000,
une association citoyenne intercommunale des populations concernées par
le projet d'aéroport (ACIPA) se constitue et relaie l'association des
exploitants agricoles, l'ADECA. 6 mois plus tard, elle annonce un
millier d'adhérents, pour l'essentiel des nouveaux habitants des
communes concernées.
En 2003, le Comité interministériel d'aménagement et de développement
du territoire (CIADT) hisse Notre-Dame-des-Landes au rang de grand projet
d'infrastructure. Une commission consultative du débat public, présidée
par Jean Bergougnoux, ancien PDG de la SNCF (!), est mise en place. Durant 6
mois, elle multiplie les conférences, recueille des milliers d'avis et
de contributions écrites. En dépit de nombreuses oppositions, la
commission estime qu'un courant majoritaire se dessine en faveur d'un
nouvel aéroport. Il ne s'agit plus d'un aéroport pour le Concorde, ni
d'un troisième aéroport parisien, mais, dans une perspective
d'aménagement du territoire, d'un aéroport pour le Grand Ouest.
En 2006, le dossier de déclaration d'utilité publique (DUP) est prêt et
l'enquête publique préalable se déroule du 18 octobre au 30 novembre.
C'est le 15 janvier 2007 que le Conseil d’État lance la procédure de
DUP. L'argument du Grenelle de l'environnement de refuser l'ouverture de
tout nouvel aéroport est rejeté du fait qu'il s'agit d'un transfert
des activités de Nantes Atlantique sur le nouveau site. Le 8 janvier
2008, le Conseil d’État, après avoir examiné le dossier remet un rapport
favorable sans réserve sur le texte de la DUP. Cet avis consultatif
laisse le gouvernement libre de prendre sa décision. Le décret est signé
dès le 10 février ...
Pour en savoir plus ...
Ici Préambule : pour ou contre l'aéroport : qu'en penser avant le référendum du 26 juin ?
Ici Épisode 1 : Le transfert de l'aéroport de la métropole nantaise, un projet qui vient de loin (1966 !).
Ici : Épisode 3 : Acteurs et enjeux du conflit (2008-2016).
Ici : Épisode 4 : L'impossible référendum de Notre-Dame-des-Landes (NDDL).
Ici : Épisode 5 : Le projet de NDDL face à la réussite de l'aéroport existant Nantes Atlantique !
Ici Épisode 6 : Le destin de l'aéroport à travers le prisme des caricatures !
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