Episode 4 : l'impossible référendum de Notre-Dame-des-Landes


Préambule : Pour ou contre l'aéroport : qu'en penser avant le référendum du 26 juin ?
Épisode 1 : Le transfert de l'aéroport de la métropole nantaise, un projet qui vient de loin (1966 !)
Épisode 2 : Histoire d'un projet né dans la résistance presque immédiate (1966-2008).
Épisode 3 : Acteurs et enjeux du conflit (2008-2016).



        En proposant un référendum local sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, au nord de Nantes, François Hollande a installé ce dossier déjà sensible dans un flou juridique et, très certainement, dans une impasse politique. La solution proposée par le président de la République, le 11 février dernier lors de son entretien télévisé, est simple : « Organiser un référendum local pour qu’on sache exactement ce que veut la population. »

        En suggérant de consulter les habitants, le chef de l’État veut re-légitimer ce projet « d’un grand aéroport pour tout l’Ouest », enlisé depuis plus de 50 ans, et mettre en application la promesse faite au lendemain de la mort du militant écologiste Rémi Fraysse, tué par une grenade tirée par un gendarme, fin octobre 2014, lors d’une manifestation contre le projet de barrage de Sivens (Tarn), celle du « recours à un référendum local (…) pour débloquer une situation ». Mais l’idée, qui, sur le principe, peut séduire les organisations de défense de l’environnement, avancée aussi par la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, se révèle impraticable.

Impossibilité juridique 

        La réforme constitutionnelle sur la décentralisation de 2003 a rendu possibles les référendums locaux à caractère décisionnel, avec un taux minimal de 50 % de participation, organisés par une collectivité locale, sur un domaine de sa compétence. Sauf que ce scénario ne peut pas s’appliquer pour Notre-Dame-des-Landes, qui relève de la compétence de l’État. C’est lui qui a signé le décret d’utilité publique du projet d’aéroport, le 9 février 2008, lui encore qui a conclu avec Aéroports du Grand Ouest (AGO), filiale de Vinci, en décembre 2010, la convention pour la concession des aérodromes de Nantes-Atlantique, de Notre-Dame-des-Landes et de Saint-Nazaire-Montoir.

        « La création du projet de construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes relève de la compétence, non d’une collectivité territoriale mais de l’État », assure le juriste Arnaud Gossement. Pour consulter localement sur ce dossier national, il faut donc changer la législation.

        Une occasion pourrait se présenter avec la réforme du dialogue environnemental. L’article 106 de la loi Macron, du 6 août 2015, propose en effet la possibilité, pour le gouvernement, de recourir aux ordonnances dans le cadre d’une réforme des « procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de projets, plans et programmes et de certaines décisions ». Le ministère de l’écologie a rédigé un projet d’ordonnance. Ce texte introduit la possibilité nouvelle d’une « consultation locale des électeurs sur des projets relevant de la compétence de l’État et d’intérêt local ».

        Mais là encore, ce projet d’ordonnance ne peut pas s’appliquer au dossier Notre-Dame-des-Landes, car il exclut d’une consultation locale un projet d’intérêt national. Or, selon le code de l’environnement, la « création ou extension d’infrastructures de pistes d’aérodrome », ainsi que la création de lignes ferroviaires, d’autoroutes, de voies navigables… relèvent de l’intérêt national. Enfin, cette future ordonnance, selon les juristes, ne pourrait s’appliquer pour des projets ayant déjà reçu toutes les autorisations, ce qui est le cas de Notre-Dame-des-Landes.


Périmètre improbable choisi pour la consultation de la population

        Le premier ministre, Manuel Valls, a proposé d’organiser la consultation à l’échelle du département, un cadre qui serait plus favorable à l’approbation du projet de transfert vers Notre-Dame-des-Landes. Las, cette suggestion a été évacuée par le conseil départemental de Loire-Atlantique. « En l’état actuel du droit, le département ne peut pas organiser de référendum sur la question de l’aéroport, il ne peut organiser une consultation que sur des politiques publiques dont il a la compétence », a jugé, lundi 15 février, une source du conseil départemental citée par l’AFP.

        L’autre collectivité concernée a aussi rejeté la réalisation de la consultation. Bruno Retailleau, le président (Les Républicains) de la région Pays de la Loire, a annoncé qu’il refusait d’organiser le référendum, dénonçant « un enfumage pour enterrer le projet ».

        De leur côté, les opposants estiment que le périmètre électoral doit être plus large, incluant la Bretagne. « Il est très important qu’au minimum la région Pays de la Loire et la région Bretagne soient consultées, dans la mesure où elles sont directement impactées par le projet », estime Denis Voisin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot (FNH). Ces deux régions participent, avec 5 départements, au Syndicat mixte aéroportuaire du Grand Ouest, chargé de la réalisation du futur aéroport. La Bretagne doit financer 5,2 % du projet, les Pays de la Loire, 7,2 %. Un autre scénario possible serait de prendre en compte la zone de chalandise du futur aéroport, soit 5 départements, dont 3 bretons.


Formulation délicate 

        La rédaction de la question soumise au scrutin et l’organisation de la campagne seront aussi délicates. « Il faudra veiller à la formulation de la question qui sera soumise au référendum », a estimé Ségolène Royal, qui a mandaté une nouvelle mission d’expertise, visant à étudier les solutions alternatives. Selon ses conclusions, l’objet du référendum pourrait dépasser l’enjeu du transfert de l’actuel aéroport vers Notre-Dame-des-Landes. La ministre de l’écologie a demandé à son administration d’étudier l’ensemble des aéroports régionaux et l’optimisation de la plate-forme aéroportuaire nantaise.

« Il faut que les informations soient suffisamment claires et compréhensibles pour que les citoyens décident en connaissance de cause », a expliqué au Monde Christian Leyrit, le président de la Commission nationale du débat public.

« Les informations qui vont être délivrées aux citoyens sont essentielles, et les conditions de la campagne – affichage, réunions publiques, Internet – ne sont pas un détail, précise, de son côté, Laurent Neyret, juriste spécialisé en droit de l’environnement. Les sélectionner, les mettre en forme, cela prend du temps et coûte de l’argent. »

        Autant d’éléments qui rendent improbable la tenue d’un référendum dans de bonnes conditions d’équité entre les deux camps, avant l’échéance du 26 juin fixée par le premier ministre.


Légitimité douteuse du référendum ... 

        De la bonne organisation de cette consultation dépend la légitimité du résultat. Or, tout laisse à croire – aucun des deux camps n’étant favorable, pour l’heure, à ce référendum – que le résultat n’apportera aucune solution au dossier de Notre-Dame-des-Landes. « Avec un tel accueil défavorable de la part des deux parties, un délai aussi bref ne permettant pas son organisation dans de bonnes conditions et, sachant que le gouvernement devra tordre le droit pour y arriver, ce référendum sera contesté en justice, ou il sera boycotté et, donc, ne résoudra rien », assène Sébastien Mabile, avocat spécialisé en droit de l’environnement.


Très bon article de Barroux (R.), L'impossible référendum de NDDL, Le Monde, 16.02.2016


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Épisode 5 : Le projet de NDDL face à la réussite de l'aéroport existant Nantes Atlantique ! 
Épisode 6 : Le destin de l'aéroport à travers le prisme des caricatures !



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