Quelle a été la première municipalité communiste de France ?
Indice 1 : la ville était un important port sardinier de Cornouaille avant le déclin de cette activité.
Indice 2 : la photographie en introduction illustre la célèbre manifestation des femmes dite " triomphale " ayant eu lieu dans la ville au début de l'année 1925.
Indice 3 : ci-contre, le costume des hommes de la ville, croqué par François Hippolyte Lalaisse en 1843.
Indice 4 : Ce qui fait le charme et la grâce de la ville, [...] c'est son golfe. Elle est assise tout au fond et semble regarder la douce et longue ligne des côtes, onduleuses, arrondies toujours en des courbes charmantes, et dont les crêtes lointaines sont noyées en ces brumes blanches et bleues, légères et transparentes, que dégage la mer. [...] Du pont, la vue de XXX est splendide. D'un côté, l'estuaire de Pouldavid, profondément encaissé entre des collines pleines de verdure ; de l'autre, la ville qui s'étage en amphithéâtre jusque sur les hauteurs dominées par la belle église de Ploaré, un véritable faubourg, à deux kilomètres. Reclus (O.), À la France : sites et monuments. L'Armorique, Paris, 32 vol., 1900-1906.
Indice 4 : Ce qui fait le charme et la grâce de la ville, [...] c'est son golfe. Elle est assise tout au fond et semble regarder la douce et longue ligne des côtes, onduleuses, arrondies toujours en des courbes charmantes, et dont les crêtes lointaines sont noyées en ces brumes blanches et bleues, légères et transparentes, que dégage la mer. [...] Du pont, la vue de XXX est splendide. D'un côté, l'estuaire de Pouldavid, profondément encaissé entre des collines pleines de verdure ; de l'autre, la ville qui s'étage en amphithéâtre jusque sur les hauteurs dominées par la belle église de Ploaré, un véritable faubourg, à deux kilomètres. Reclus (O.), À la France : sites et monuments. L'Armorique, Paris, 32 vol., 1900-1906.
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Réponse : Douarnenez avec l'élection de Sébastien Vélly en juillet 1921.
La ville est en effet la première municipalité
française à élire un maire communiste en 1921, soit quelques mois
seulement après le célèbre congrès de Tours de 1920. La ville échappait
ainsi, encore davantage, aux puissants industriels de la conserverie.
Exception communiste en Bretagne, Douarnenez devint un phare du P.C.F au
plan national. Et lorsque la grande grève des sardinières éclata, les
ténors du Parti et de la CGT-U sont à la manœuvre sur place. Cette
victoire ouvrière, érigée au rang de symbole, favorisa l’ancrage du PCF
dans la cité des penn sardin.
Les conditions du succès
Douarnenez doit son nom à l’île Tristan : douar an enez,
la " terre de l’île". Mais sur le plan politique, cette ville est elle-même une île communiste, en Bretagne, dès les années 1920. La
société douarneniste est marquée par la faible place occupée par la
classe moyenne. Il y a donc deux mondes que tout oppose. D’un côté, les
grandes dynasties industrielles, comme Chancerelle ou la famille
Béziers, qui représentent une bourgeoisie vivant dans le luxe et
l’ostentation. Appuyées par un clergé particulièrement réactionnaire, elles dominent
un large prolétariat d’ouvriers et d’ouvrières des conserveries, et de
marins pêcheurs. Entre ces deux groupes sociaux, l’élément qui aurait pu
être « modérateur » est faible : il y a peu de
fonctionnaires ou de professions libérales. Cette dualité sociale peut
expliquer les positions très clivées qui sont la caractéristique de la
vie politique dans la cité penn sardin. Particulières aussi, la forte
influence d’un monde ouvrier féminin, et « l’interpénétration de la
ferveur révolutionnaire et du ritualisme catholique » (Yves Le Gallo)
qui amène les grévistes à « chanter rouge » sans oublier d’aller à la
messe.
Les élections municipales de 1919 sont un tournant qui marque la
défaite de « l’aristocratie de la sardine » (Maurice Lucas). Pour la
première fois, une liste SFIO (Section française de l’Internationale
ouvrière) remporte les élections, et Fernand Le Goïc, professeur à
Nantes, devient maire. Immédiatement, il montre ses préférences
politiques : le buste de Jean Jaurès est placé dans la salle du conseil
municipal, une rue est baptisée de son nom, et des motions à caractère
politique sont adoptées. Ainsi, en avril 1920 le conseil municipal
se prononce « Contre les poursuites et représailles infligées aux
cheminots grévistes ». Puis, il « Proteste énergiquement contre la
reprise des relations avec le Vatican ! » Ces délibérations sont
annulées par le préfet, inaugurant ainsi le début de relations tendues
entre les élus douarnenistes et l’autorité préfectorale.
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L’exception douarneniste en Bretagne
Le congrès de Tours en décembre 1920 vient bousculer fortement la
gauche bretonne. Les débats sont très animés au sein de la SFIO. Si du
côté des élus socialistes et des vieux adhérents on est en majorité
contre l’adhésion à la IIIème Internationale, du côté de la base
militante, c’est le oui à Moscou qui l’emporte. Au final, 2/3 des
délégués bretons siégeant à Tours se prononcent en faveur de l’adhésion.
Il n’en reste pas moins que le PCF apparaît, dans ces années 1920,
comme un « corps étranger » en Bretagne, animé par quelques « pionniers
du communisme » (Christian Bougeard).
La scission entre socialistes et communistes a des répercussions à
Douarnenez. Au sein de la municipalité, le maire Fernand Le Goïc est
resté fidèle à la « vieille maison » SFIO. Il ne peut désormais
s’appuyer que sur une minorité d’élus car la majorité du conseil a opté
pour le communisme (Section française de l’Internationale communiste).
Suite à plusieurs invalidations de conseillers municipaux et du maire,
pour non-résidence à Douarnenez, de nouvelles élections se tiennent en
juillet 1921. Et c’est le parti communiste qui l’emporte : Sébastien
Velly est élu maire. Douarnenez devient ainsi la première municipalité
communiste de France. Mais cette victoire ne doit pas masquer une
réalité : Douarnenez est une exception en Bretagne. Affaiblis après la
scission de 1920, les socialistes bretons se sont réorganisés et
regagnent des voix sur les communistes.
Sébastien Velly prend des mesures symboliques : en août 1922, il fait
baptiser une rue « Louise Michel » : cela devient une véritable affaire
qui oppose gauche et droite et qui débouche sur un refus du ministre de
l‘Intérieur. Les conservateurs ironisent : « Quant à Pasteur, on verra
plus tard, quand on aura épuisé le calendrier rouge. Il reste encore
Lénine, Trotsky et quelques autres... ». Lors de la commémoration de
l’Armistice, le 11 novembre 1923, les directeurs des écoles primaires
font enlever des bouquets les rubans rouges placés par la mairie : ils
sont accusés de préférer « marcher devant la Croix plutôt que devant le
drapeau rouge ». Les relations tendues entre le maire communiste et les
autorités amènent en 1923 le préfet à suspendre à titre temporaire
Sébastien Velly.
Douarnenez " la Rouge "
Le 18 juillet 1924, Velly meurt d’une phtisie galopante. Et c’est
Daniel Le Flanchec qui est élu maire de Douarnenez en octobre 1924.
C’est un ancien employé municipal de Lambézellec de 43 ans. Brillant
orateur, il n’a peur ni de la provocation ni de la bagarre. Ancien
anarchiste, il est un des fondateurs du parti communiste en Bretagne et a
participé au congrès de Tours. Il est depuis 1923 secrétaire fédéral du
PCF. Avec l’élection de cette forte personnalité, « le centre de
gravité du PCF » glisse de Brest vers Douarnenez (Christian Bougeard).
D. Le Flanchec a incarné, de 1924 à 1940, un communisme municipal
original faisant honneur à la réputation douarneniste de « turbulence et
d’audace téméraire » (Michel Mazéas). Ses débuts de maire furent
marqués par la révolte des sardinières (novembre 1924-janvier 1925).
Cette « grève de la misère » éclate pour obtenir un salaire horaire de 1
franc au lieu des 80 centimes payés, et s’étend aux 20 usines
implantées dans la ville. Une lutte de 48 jours s’engage, rythmée par
des manifestations et des meetings, où s’expriment de nombreux
dirigeants nationaux du PCF et de la CGT-U venus sur place. La lutte
douarneniste est spectaculaire et symbolique. Charles Tillon, permanent
régional de la CGT-U est à la manœuvre. Le PCF missionne des cadres
dirigeants, comme Lucie Colliard et Marie Le Bosc. L’implication
politique de ces deux femmes marque d’autant plus les esprits qu’elles
ne sont pas citoyennes c’est-à-dire qu’elles n’ont pas le droit de vote.
Mais dans le port sardinier, ce sont bien les femmes qui sont en
première ligne : au comité de grève elles sont 6 sur 15 membres. Parmi
les responsables communistes, le Breton Marcel Cachin, député de la
Seine, vient en décembre 1924 apporter « le salut de la classe ouvrière
parisienne pour la grève si sympathique des sardinières ». Le maire
communiste est aux côtés des grévistes : Le Flanchec défile en tête de
cortège, ceinturé de son écharpe tricolore, et l’Internationale en
bouche. Et il reprend, sans doute, ce refrain chanté par les ouvrières :
« Saluez riches heureux, ces pauvres en haillons, saluez, ce sont eux
qui gagnent vos millions ». Le maire met en place un fonds de chômage
tandis que le PCF ouvre une soupe populaire.
Victoire ouvrière et ancrage communiste
Mais les conserveurs ne veulent rien lâcher. Deux d’entre eux
financent l’intervention violente de briseurs de grève. Le 1er janvier
1925 ces hommes tirent sur le maire : une balle lui traverse la gorge.
La presse militante s’écrie : « On a voulu tuer notre camarade Le
Flanchec et l’on voulait aussi tuer la grève ». L’émotion est très forte
au plan national. Le préfet exige des industriels une sortie du conflit
: le 8 janvier les revendications salariales sont satisfaites. La grève
des sardinières chantant « Pemp real a vo ! » est aussi le symbole de
la fin d’une « résignation bretonne » qui n’est plus de mise
(Jean-Jacques Monnier). Ces semaines de lutte, relayées au plan
national, sont un succès pour le jeune PCF et la CGT-U. Douarnenez est
désormais un phare du communisme en France. Son maire, devenu célèbre,
est autant admiré des marins et des usinières qu’il est détesté des
puissants. L’élection municipale de 1925 se transforme en plébiscite en
faveur de Daniel Le Flanchec. Au final, ces luttes sociales et politiques
auront ancré le communisme à Douarnenez et ouvert la voie, après-guerre,
à ses maires PCF : Joseph Pencalet, Yves Caroff, Joseph Trocmé et
surtout à Michel Mazéas qui dirigea la ville de 1971 à 1995.
Pour aller plus loin :
Bougeard (C.), Les forces politiques en Bretagne (Notables, élus, militants) 1914-1946, Rennes, PUR, 2011.
Bugnon (F.), Joséphine Pencalet, conseillère municipale, In Femmes de Douarnenez, Mémoire de la Ville, n° 38, pp 23-26, 2015.
Denis (M.), Geslin (C.), Gourlay (P.), Monnier (J.J.), Le Coadic (R.), Histoire d’un siècle, Bretagne 1901-2000, Morlaix, 2010.
Le Boulanger (J.M.), Douarnenez, histoire d’une ville, Quimper, 2000.
Le Boulanger (J.M.), Flanchec ou l'étrange parcours d'un insoumis, Douarnenez, Mémoire de la Ville, 1998.
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