1840 : naissance du compositeur et ethnomusicologue Louis-Albert Bourgault-Ducoudray

Louis Bourgault-Ducoudray, photo de Ferdinand Mulnier, 1888.
        Fils de Louis-Henri Bourgault-Ducoudray, un armateur disposant d'une confortable situation financière, Louis-Albert nait à Nantes, rue Racine, le 2 février 1840. Il est destiné à une carrière d'avocat, pourtant le jeune homme s'en détourne aussitôt ses études achevées. Il manifeste en effet très rapidement son intention d'exercer comme chef d'orchestre et étudie la musique depuis déjà des années, au Conservatoire. Au Théâtre Graslin en 1859, il présente sa première œuvre, un opéra-comique qu'il signe sous le pseudonyme " Chantenay ". Sans révolutionner le genre, le succès est au rendez-vous. Le nantais décide bientôt de s'installer à Paris afin de suivre des cours au Conservatoire de Paris auprès d'Ambroise Thomas. C'est pour lui le temps des premiers concours remportés, dont le fameux Prix de Rome (1862) avec la cantate Louise de Mézières. Âgé de 25 ans, il se marie avec Marie Jourjon, la fille mineure de sa nouvelle belle-mère. Dans le cadre des fêtes organisées pour la béatification de Françoise d’Amboise, épouse du second fils de Jean V, duc de Bretagne, il écrit en avril 1866 une cantate. L’œuvre, composée pour un chœur de 400 voix et musique militaire, est jouée dans la cour du Château des Ducs.

        Installé définitivement dans la région parisienne à partir de la fin des années 1860, il donne un concert au profit des soldats et ambulanciers français le 18 novembre 1870 (contexte du Siège de Paris engagé et remporté par les Prussiens). Blessé, il ne réapparait publiquement que deux ans plus tard ! En 1874, il entreprend son premier voyage, en Grèce. Il n'aura de cesse par la suite que de valoriser et faire connaitre les musiques traditionnelles d'Europe ou ailleurs. Ainsi lors de l’Exposition Universelle de 1878, il donne une conférence au Trocadéro sur « La modalité dans la musique grecque ». Et puis, il compose à partir de ses expériences de voyage, entre autre un opéra se déroulant sur les bords de la Caspienne, un autre à Bakou, des mélodies traditionnelles grecques, arméniennes, écossaises, une Danse égyptienne, une Danse malgache, la Rhapsodie cambodgienne etc... L'orchestration de cette dernière reprend des thèmes musicaux cambodgiens, tout en permettant une écoute par des Européens n'ayant pas forcément toutes les références de cette contrée lointaine. En 1878, il est nommé professeur au Conservatoire de Paris, en charge de l'histoire générale de la musique dramatique. Le nantais introduit l'exotisme et vulgarise la musique russe (peu reconnue de son temps) et bien d'autres auprès du grand public parisien et français.

        
        Breton, il consacre également une grande part de son existence dans la collecte des airs traditionnels de la musique populaire bretonne. Sur les traces d'Hersart de la Villemarqué (déb XIXème siècle), il parcourt la Bretagne en adoptant cependant une méthode plus scientifique. Il en publie différents recueils et élabore deux opéras : Bretagne en 5 actes (1887) et Myrdhin (1905) évoquant la lutte entre le paganisme et la chrétienté dans la société bretonne.
      « Ce qui nous a surtout frappé dans cet ouvrage, c’est la réalité de la couleur bretonne dont il est imprégné tout entier. On sent que l’auteur a étudié avec amour les chants populaires de notre province. Il ne s’est pas contenté d’en insérer quelques-uns dans sa partition, i a su s’inspirer de leur rythme et de leur structure pour tirer de son propre fond des mélodies originales, qui sont pourtant bien bretonnes par la physionomie et par le contour. On sent aussi qu’il a été stimulé, en composant « Bretagne », par le désir d’exprimer certaines impressions personnelles et toutes locales dont la traduction sincère donne à son œuvre un accent d’émotion vraie et de poésie « vécue ».
Le Phare de la Loire, 14 décembre 1892. (Quotidien nantais)


        De par son expérience et ses enquêtes musicales en Europe, il en arrive à penser que la plupart des musiques populaires ont certainement une origine commune, des traits de ressemblance, des liens de parenté après des comparaisons qu'il effectue avec les rythmes, la construction de musiques traditionnelles de toute l'Europe, de Russie... L'avenir lui donnera raison, puisque le berceau des musiques "primitives" sera identifié comme "indo-européenne". Sauf que sa pensée d'une sorte d'héritage commun en musique vient en totale opposition avec le paradigme de cette fin du XIXème cherchant à justifier les origines "uniques" et forcément glorieuses de chaque peuple et nation européenne (en simplifiant : le mythe du Gaulois face à celui du Teuton etc...).


        Louis-Albert Bourgault-Ducoudray décède à l’âge de 70 ans le 14 juillet 1910. La presse locale reste très discrète sur son décès. Seul Le Phare de la Loire reprend un article du Figaro. Selon les volontés du défunt, l’inhumation a lieu à Nantes (il meurt à Vernouillet). Elle se déroule au cimetière Miséricorde le 5 mai 1911. Le deuil est conduit par son fils, le capitaine Bourgault-Ducoudray, son gendre, M. Besnier et son cousin, M. Savinien Grignon-Dumoulin. M. Paul Bellamy, maire de Nantes, et M. Maurice Sibille, député, assistent aux obsèques.

       " Bourgault-Ducoudray, bien qu’il habitât Paris, n’était pas pour cela un déraciné. Il était resté, au contraire, profondément attaché à sa chère province, et en particulier à la ville de Nantes, qui l’avait vu naître et où il revenait toujours avec une joie profonde. Il en donne aujourd’hui une preuve suprême. Il a voulu, en effet, dormir l’éternel sommeil dans le sol de la vieille Bretagne, dont, toute sa vie, avec une infatigable ardeur, il glorifia l’âme chantante. Au nom des musiciens bretons, au nom de ses amis nantais, je viens dire un dernier adieu à l’éminent musicien et au grand honnête homme que fut Bourgault-Ducoudray. " [...]
Discours de M. Destranges, critique artistique et journaliste au Phare de la Loire au cimetière Miséricorde.

        En 1912, le Ministre de l’Instruction publique, Gabriel Guist’hau, ancien maire de Nantes, passe commande d’un médaillon représentant le profil de Louis-Albert Bourgault-Ducoudray afin de le disposer dans le péristyle du théâtre Graslin. La commande est passée auprès de M. Louis Patriarche en novembre 1912. Terminé en janvier 1913, le modèle mesure 1 m de diamètre et est coulé en bronze durant l’année. En février 1922, Étienne Coutan, responsable du service d’Architecture de la Ville, rappelle au Maire qu’il « existe en attente à Graslin, dans un coin [...], le médaillon en bronze de Bourgault-Ducoudray qu’il avait été question de placer au Théâtre Graslin ». Sa requête reste sans suite. Le 20 décembre 1934, le secrétaire général de la Ville informe l’Administration que le « médaillon – d’assez grande dimension – est déposé dans les magasins de Graslin ». Il propose de le placer dans le péristyle du Théâtre afin « de rendre ainsi un hommage public à la mémoire d’un Nantais illustre, dont l’œuvre a de fervents admirateurs ». Le médaillon est enfin inauguré le 4 avril 1935, en même temps que la plaque mémorielle dédiée à Étienne Destranges.


Pour aller plus loin :

Bourgault-Ducoudray Louis Albert, Archives municipales de Nantes. Documents disponibles dont son acte de naissance (ici)

Bossis (B.), Louis-Albert Bourgault-Ducoudray et la Bretagne : du collectage à la composition, dans Musique en Bretagne : images et pratiques, Rennes, PUR, p. 187-198, 2003.

Salmon-Legagneur (E.), (dir.), Les noms qui ont fait l'histoire de Bretagne : 1 000 noms pour les rues de Bretagne, Spézet, Coop Breizh, 446 p,



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