1942 : première grande rafle de personnes juives en Loire inférieure


         Les 16 et 17 juillet 1942, la rafle du Vélodrome d'hiver - ou Vel d'Hiv - organisée dans Paris et sa banlieue par Pierre Laval, du gouvernement de Vichy, permet d'arracher à leur foyer 13.152 Juifs dont 4.125 enfants. Quelques 9.000 policiers français rendent possible la plus massive vague d'arrestations de Juifs en Europe durant la Seconde Guerre Mondiale. Une centaine de prisonniers se suicident. Ceux qui tentent de fuir sont abattus. Les familles sont ensuite massivement déportées au camps d'extermination d'Auschwitz, moins de 100 personnes ayant rejoint cette abominable destination reviendront, en 1945, une fois la guerre terminée. Aucun enfant n'effectuera le chemin de retour... 

        Du 15 au 20 juillet 1942, une rafle visant à arrêter le plus de familles juives possible est réalisée dans le département de Loire-Inférieure. Elle précède et s'inscrit dans ce contexte de stigmatisation, de brimades et d'arrestations réalisées en France. Les soldats allemands secondés par des policiers français capturent 98 personnes de religion juive portant l'étoile jaune depuis le 6 juin : 28 à Nantes, 4 à Châteaubriant, 66 à Saint-Nazaire et ses alentours. La plupart est déportée par le convoi n° 8 parti d'Angers vers Auschwitz le 20 juillet 1942. Sur les 824 personnes du convoi, on dénombre seulement 20 survivants. Comment évoquer concrètement ces familles ? Derrière cette liste interminable de noms, qui étaient ces hommes et ces femmes, ces adolescents en devenir, ces fillettes aux nattes nouées venus de Loire-Inférieure ? Comment prendre conscience que des personnes ont été arrêtées dans des lieux que nous connaissons aujourd'hui puis assassinées dans des camps aux noms tristement célèbres ? Peut-être au travers de deux destins... Grâce aux sources d’archives et à des témoignages, nous pouvons raconter sommairement la vie et l’histoire de Simon Kravetz et de la famille Pérahia.

        En 1942, Simon Kravetz, 16 ans, vit à Nantes, dans le quartier de la biscuiterie L.U, rue Crucy. Ses parents sont des immigrés polonais. Simon est élève au Lycée Livet. Lorsqu’il porte pour la première fois l’étoile jaune en classe, ses camarades, surpris par ce signe distinctif, se confectionnent leurs propres étoiles afin de l’imiter, et s’attirent de ce fait les foudres du directeur. Le 15 juillet, deux soldats allemands font irruption dans la classe , en plein cours de français, et arrêtent Simon sous les yeux de ses camarades. Ses parents subissent le même sort, sur leur lieu de travail. Toute la famille est déportée le 20 juillet, d’abord vers Angers puis, par le convoi numéro 8, à Auschwitz. Simon et sa mère sont rapidement assassinés dans une des chambres à gaz. Le père de Simon meurt plus tard aux travaux forcés. Certains anciens camarades de Simon ont souhaité retracer son parcours afin d’en conserver la mémoire et une plaque commémorative a été apposée en 2009 au Lycée Livet.

La classe de Simon Kravetz au Lycée Livet à Nantes, année scolaire 1941-1942. Simon est le 3ème visage au 3ème rang, à partir de la gauche. © Archives-Lycée Livet

Les parents de Simon. © Fonds Joseph Blinder
  
Plaque commémorative au Lycée Livet ©Source internet

        Au moment où éclate la Seconde Guerre mondiale, Robert Pérahia, né près de Constantinople le 20 avril 1901, est engagé volontaire sous l'uniforme français. Il est fait prisonnier et, du fait de ses origines turques, il est libéré et mis en congé de captivité. Il est alors assigné à résidence à Saint-Nazaire. Le 15 juillet 1942, Robert, 41 ans, devenu marchand forain, son épouse Jeanne, 33 ans, et leur fils Victor, 9 ans, sont arrêtés par 6 soldats allemands au domicile familial pour « un simple contrôle d’identité ». Jusqu’à ce qu’il soit forcé de porter l’étoile jaune, l’enfant n’a pas pris conscience de sa judéité, ses parents n’étant pas pratiquants. Respectueux des lois émanant des autorités françaises, la famille s’était fait déclarer à la Préfecture. Après l'arrestation, la famille Pérahia est regroupée avec les autres personnes juives du département au Grand séminaire d’Angers. Victor et sa mère sont alors séparés de Robert Pérahia, qui est déporté par le convoi numéro 8, à destination d’Auschwitz, où il trouve rapidement la mort.
Liste approximative des Juifs arrêtés par la police allemande le 16 juillet 1942. La famille Pérahia est la dernière listée. © Archives départementales de Loire-Atlantique, Nantes.

Albert et Victor Pérahia
Source : Arch. fam. Victor Pérahia

        Victor et Jeanne sont quant à eux internés au camp de La Lande, près de Tours, puis à Drancy. Ils y restent 20 mois en se faisant passer pour femme et fils de prisonnier, catégorie protégée par la Convention de Genève, échappant ainsi à la déportation. Le 2 mai 1944, ils sont pourtant transférés au camp de travail de Bergen-Belsen, en Allemagne. Les conditions de vie y sont abominables, si bien que Victor y contracte le typhus. Sous la pression des armées Alliés se rapprochant, les Allemands cherchent à évacuer les prisonniers vers un autre camp. Entassés dans des wagons à bestiaux, privés de nourriture pendant plus de 15 jours, ils sont finalement libérés par les armées russes. 

        Victor et sa mère rentrent en France le 29 juin 1945. Ils y retrouvent une partie de leur famille restée cachée pendant la durée de la guerre, dont Albert, le frère aîné de Victor. Mais la réinsertion s’avère très difficile : la famille a tout perdu, Victor n’a pas été scolarisé de 9 à 15 ans et il souffre de tuberculose (il passera 2 ans dans un sanatorium, éloigné de sa mère).



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