7 novembre 1826 : mort d'un nantais qui a changé l'image de sa ville.

Détail du buste de M. Crucy réalisé par Jean de Bay (fils).
     Mathurin CRUCY. Pourquoi consacrer un article à cet architecte ? D'une part, parce qu'il est breton, d'autre part, parce qu'il a participé à modifier en profondeur l'urbanisme de sa ville natale.

     Né en 1749 dans une famille nantaise commerçant le bois de charpente, le jeune Mathurin se destine précocement à l'architecture. Il devient l'élève de Jean-Baptiste Ceineray, un autre architecte nantais, puis étudie à Paris. En 1774, l'année de la mort de Louis XV,  il remporte le Prix de Rome avec son projet de bains publics d'eau minérale inspirés des thermes romains, ce qui lui vaut le privilège de perfectionner son praxis à l'académie de France à Rome. Il y côtoie d'ailleurs Jacques Louis David. Puis il parcoure l'Italie, aux temps de de la découverte des vestiges antiques d'Herculanum et de Pompéi. Il revient à Nantes en 1779, porté par l'engouement pour l'architecture antique rompant radicalement avec l'esthétique rococo.




     Un an après, son maître J.B. Ceineray le nomme architecte-voyer de la ville de Nantes. Il se voit donc confier la mission d'embellir la ville. Comme son prédécesseur, il inscrit aussitôt son action dans le quartier de la Bourse et plus sporadiquement celui de Bouffay. Il s'attèle également à la création du quartier Graslin. Et enfin, il s'agit d'élargir la ville à l'ouest.


LE THÉÂTRE GRASLIN
     Son premier chantier consiste à concevoir une place de spectacle majestueuse telle que désirée par J.J.L. Graslin, receveur général des fermes du roi à Nantes. Les plans dessinés, le sculpteur trouvé en la personne de l'autrichien D. Molknecht, les travaux débutent en 1786. Et le théâtre ouvre ses portes en 1788. Malheureusement, le théâtre est ravagé par un incendie en 1796 mais il est reconstruit avec le soutien de l'empereur Napoléon Ier à partir de 1811.

Détail du théâtre Graslin, 27.10.2012.
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LA BOURSE DE COMMERCE
     Comme aujourd'hui, la place du commerce était un lieu de rassemblement. En 1768, Mathurin Crucy y fait démolir des bâtiments sans cohérence et projette d'y bâtir un monument majestueux. Le bâtiment à venir jouxterait un bras de la Loire et sera proche du port de commerce. 6 années seront nécessaires pour établir les plans du bâtiment de style néo-classique et son emplacement précis. Sous la Révolution et la Terreur le bâtiment est grandement endommagé, et la reconstruction est autorisée par Napoléon Ier. En 1943, lors des bombardements étasuniens, la bourse n'est pas épargnée. Toutes les fresques intérieures, les statues et d'autres éléments architecturaux sont définitivement perdues. Après une rapide restauration, la bourse reste cependant abandonnée pendant des décennies jusqu'en 1996 où une célèbre enseigne achète "les murs". L'intérieur est alors totalement détruit/rénové afin d’accueillir cette nouvelle activité florissante. 
Plan et croquis du Cours Cambronne.
(voir l'article concernant le Palais de la Bourse qui sera publié ici le 17 janvier)


LE COURS CAMBRONNE

     Profitant du tumulte de la Révolution française, les terres appartenant à l'ordre des Capucins et gênant les spéculations financières du quartier en restructuration, sont réquisitionnées en juillet 1791. Mathurin Crucy se voit alors confier la réalisation d'une promenade publique bordée de magnifiques immeubles de rapport. Naturellement, l'architecte les fera bâtir là encore de style néo-classique. Il n'a pas toujours porté le nom actuel que les Nantais connaissent, à l'origine il se nommait Cours Henri IV puis Cours Napoléon.




Détail du cours Cambronne.
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LES PROJETS D'URBANISME (de plus vaste ampleur)

  • La place Graslin avec les immeubles qui la bordent.
  • Des éléments architecturaux de la place du maréchal Foch ou "Louis XVI" pour les Nantais.
  • La place Royale.






AUTRES PROJETS

  • La reconstruction de la cathédrale de Rennes à partir de 1780.
  • Les bains publics sur l'Île Feydeau détruits en 1869 pour être remplacé par un marché couvert.
  • Les édifices du domaine de La Garenne Lemot à Clisson.
  • La façade des bâtiments anciens de l'hôpital Saint Jacques à Nantes.
  • Les halles aux poissons, détruites en 1851.
  • La halle au blé (ci-contre), rectangulaire et dans un style rigoureux et sobre, elle est réalisée en 1789 avec seulement un étage, place occupée par une bibliothèque. Elle n'existe plus aujourd'hui puisqu'elle a été détruite en 1882 pour laisser place à l'Hôtel des postes.




     Autant dire, que sans les travaux de Mathurin Crucy l'image de Nantes serait toute autre. Il me semble, qu'ils participent à harmoniser les bâtiments honorifiques de la ville, que l'ensemble de ces façades de pierres blanches ont donné et donnent encore du cachet au centre-ville et qu'enfin ses constructions sont "respectées" par les architectes dans le sens où, les plans d'urbanisme n'autorisent pas de construction nouvelle qui serait anachronique et source de rupture architecturale d'une unité et identité urbaine nantaise.


Pour aller plus loin :
DE WISMES (A.), Le vieux Nantes, Nantes, 65 p, 1992. Fort intéressant à lire mais un peu compliqué par endroit.
LELIEVRE (P.), Nantes au XVIIIème siècle. Urbanisme et architecture, Paris, 298p, 1988.
LE NAIL (B.), Mathurin Crucy, in Dictionnaire biographique de Nantes et de Loire Atlantique, Pornic, 2010.
LE PICHON (P.)(dir.), Graslin. Le temps des Lumières à Nantes, Rennes, PUR, 2008.

E.M

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