Île bretonne (2) : Trielen.

      Après l'île de Saint-Riom (lien ici), je vous présente une deuxième petite île moins connue que ses illustres voisines : l'île de Trielen dans l'archipel de Molène (29).




Description physique de Trielen, par l'écrivain auteur de la soixantaine de tomes Voyages en France, Victor-Eugène Ardouin-Dumazet :

" Au-delà de Quéménès surgit une autre terre, haute et longue, d'où montent aussi les fumées du varech, où l'on découvre des maisons. C’est Trielen, île d’un kilomètre de développement, mais très étroite, sur laquelle vivent cependant vingt individus. D'une usine de soude monte un épais nuage de fumée qui couvre l’horizon. Ô la rude et sauvage existence !
[...]
" Cette île présente sur la carte un curieux aspect, la pointe du nord semble un œil, il y a là une étroite lagune remplissant une vasque rocheuse. Trielen est évidemment l’extrémité d'une terre plus étendue, car elle est assise sur un vaste plateau de roches émergeant à basse mer et qui s’étend alors jusqu'à l'île Molène, située à deux kilomètres et demi plus au nord."


Quelques repères historiques :
Fin de l'Âge du fer (voir ici) : premières présences humaines sur le site.

Époque médiévale : l'île appartient successivement aux Comtes de Léon (Hervé, Guyomarch...) puis aux moines de l'abbaye Saint-Mathieu de Fine-Terre (sur la pointe Saint-Mathieu).

1870 : une usine de soude - brûlant le goémon - est installée sur l'île par des industriels bretons.

Décembre 1891 : après Noël, les 25 habitants de l'île font face à une importante disette.

1893 : une épidémie de choléra emporte dans la tombe 14 personnes (sur 25 !).

Seconde guerre mondiale : les habitants quittent presque tous l'île, le plus souvent pour s'établir à Molène.

1949-1955 : une grosse ferme est exploitée par des goémoniers. Les murets en galets, délimitant les anciennes parcelles, et permettant aussi l'élevage bovin, sont encore visibles dans le paysage de l'île. L'activité s'arrête.

1954-1959 : l'île devient un centre de "rééducation" pour la jeunesse en mal de repères. Il est géré par le père Laurent (Cf. aussi l'île de Balanec), convaincu que le grand air et le travail agricole était la solution idéale pour tous les maux de cette jeunesse. Mais la vie est rude et la subsistance n'est pas assurée. 
1957 :  Les "pensionnaires" souffrent de la faim et des mauvaises traitements, si bien que les voisins de Molène s'inquiètent et préviennent les autorités qui libèrent les "bagnards".
Jusqu'en 1959 : le père Laurent persiste dans son "traitement de choc" avec de nouveaux pensionnaires. En 1959, le père est jugé à Versailles. Même s'il est acquitté son expérience de centres de rééducation sur des îles bretonne est définitivement terminée. Récemment quatre squelettes de jeunes adultes ont été retrouvés dans les environs (près de Quéménès). Est ce que des anciens bagnards se seraient noyés en voulant s'échapper ? Pour l'instant, le mystère demeure...

1972 : après l'abandon de l'île, le conseil général du Finistère devient propriétaire de l'île par expropriation au nom de l'intérêt général. L'île de Trielen appartient désormais à la réserve naturelle de la Mer d'Iroise et une association bretonne s'occupe de préserver la faune et la flore du site.

Depuis 1990 : à marrée basse, les anciens pouvaient relier Molène à la marche en 1 h 30 environ. Pour perpétrer cette tradition perdue (l'île n'étant plus habitée), chaque année, une marche est organisée par des passionnés du littoral, des amoureux des côtes bretonnes (voir la vidéo sympa ici).


Pour aller plus loin :

* L'épidémie de choléra à Trielen (1ère colonne, 2ème paragraphe), archive de septembre 1893.
* L'ombre d'un sinistre camp de rééducation, Le Télégramme, 15 janvier 2009.
* L'association Bretagne vivante, très importante dans la protection ou préservation de la faune et la flore bretonne (Bilan 2008). De plus, l'association est présente sur les 5 départements bretons !
* Par un collectif d'historiens, Suivi archéologique sur l'île de Trielen, Un site Gaulois au péril de l'érosion, page 19 du document ci-dessus de Bretagne Vivante.
* Rougerie (V.), L'archipel molénais, Rennes,‎ p 99-103, 1989.

H.M

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