Un breton pourrait faire économiser 136 millions de dollars ...

           Vers 1540 à Paris, un breton créé un fameux ensemble de police de caractères nommé « Garamont ». Claude Garamont (vers 1499-1561), qui s'attribue aussi le surnom de Garamondus, est le fils d'Yvon Garamour et de Françoise Barbier, ces imprimeurs de Morlaix installés à Paris. Or, selon le très sérieux quotidien économique La Tribune (voir ici), son utilisation par le gouvernement fédéral étasunien pourrait lui faire faire des économies : de 135 à 370 millions de dollars si les 50 États le suivaient.

        Les organes de presse ont en effet repris les travaux d'un lycéen de Pittsburg, Suvir Mirchandani, démontrant que les États-Unis pourraient économiser jusque 370 millions de dollars, en laissant tomber les polices Times New Roman et le Century Gothic au profit du Garamont. Toutes choses égales par ailleurs, Garamont utiliserait 24 % de toner de moins. Certains sites disent toutefois que ce serait au détriment de la lisibilité.



Le virtuose Claude Garamont ... Garamond ou Garamour

Outil de graveur, Imprimerie nationale.
        Le 2 novembre 1540, Pierre Duchâtel, conseiller et aumônier du roi, garde de sa librairie, passe contrat avec Robert Estienne pour faire tailler par Claude Garamont des « poinssons de letres grecsques » à partir de modèles et d’instructions du calligraphe d’origine crétoise Ange Vergèce, calligraphe du roi. Claude Garamont entreprend alors la gravure d’un grec d’une rare élégance : ce sont les fameux Grecs du Roi. Si Pierre Duchâtel semble être intervenu au départ dans le choix des caractères, Claude Garamont travaille surtout sous la direction d’Ange Vergèce qui fixe le nombre et la grandeur des lettres. Une des particularités des lettres de C. Garamont est l’introduction des accents et des esprits à l’aide de lettres crénées et la virtuosité de Garamont est manifeste dans les ligatures et le traitement des abréviations. Le premier livre imprimé avec les types grecs de Garamont est un alphabet grec publié en 1543, véritable plaquette publicitaire où l’on retrouve toutes les lettres et toutes les ligatures correspondant au premier corps gravé, le corps moyen. Le 1er octobre 1541, 225 livres tournois lui sont assignées pour son travail de tailleur et fondeur de lettres. Les 1327 poinçons originaux de C. Garamont sont finalement entreposés au XVIIème siècle à l’Imprimerie royale (dont ils constituent aujourd’hui l’un des trésors, classés Monuments historiques).

        Depuis le milieu du XVIème siècle, de nombreux fondeurs de caractères et historiens de l’imprimerie ont imposé, par l’usage, l’orthographe « Garamond ». Cette orthographe s’est ensuite largement diffusée au XXème siècle, avec la multiplication de polices, produites par diverses fonderies, portant le nom de « Garamond ». À tel point qu’il est désormais d’usage (après les travaux de J. Veyrin-Forrer), chez les historiens et les graphistes, de distinguer l’écriture « Garamond » de l'imprimeur breton « Garamont ». Toutefois, l'amalgame persiste encore souvent, seul, le nom poétique de Garamour a disparu.



L'atelier de l'imprimeur, enluminure, Chants royaux sur la Conception, vers 1530.

   



La mort de Claude Garamont

        Le 23 septembre 1561, alors qu’il est logé rue des Carmes, Claude Garamont se trouve « malade », mais « sain de pensée, mémoire et entendement». Sentant son heure approcher, il rédige son testament (ici). S’il n’est pas très riche, Garamont ne meurt toutefois pas dans la misère. Par son testament, il prodigue de nombreux legs à ses proches et à ses amis. Le graveur semble très attaché à sa mère, toujours vivante en septembre 1561 lorsqu’il rédige son testament, même si elle est alors « fort âgée, aveugle, et sans le moyen de se conduire [seule] ». Le testament de Garamont a permis d’analyser la pratique religieuse du graveur. Contrairement aux habitudes testamentaires parisiennes, le sien n’invoque pas la Vierge, ni aucun saint. Par ailleurs, Garamont ne réclame ni prières ni messes après sa mort, et se contente d’obsèques sobres, en présence du seul vicaire. Il prend pour exécuteur testamentaire André Wechel, libraire à l’Écu-de-Basle, qui déclarera ouvertement sa foi protestante peu de temps après. Garamont semble donc adhérer discrètement à la Réforme. Garamont meurt peu après la rédaction de son testament, avant que la France ne bascule dans les guerres de Religion.

Matrice d'origine du moyen canon de C. Garamont.


Épilogue

        Aujourd'hui, Garamond est la police la plus utilisée des polices dans l'édition de livres papier car Times New Roman et Arial ont été sur-utilisées et lassent les lecteurs. De plus, les polices avec empattements typographiques (sérif), comme Georgia, Book Antiqua, sont jugées plus lisibles et élégantes.

Pour en savoir plus :

ici : L’œuvre typographique de C. Garamont, et (ici) La diffusion du Garamond, Ministère de la culture.
ici : Le Garamond dans l'espace public, Ministère de la Culture.
ici : Lefebvre (D.), Le Breton inventeur de la police de caractères Garamont pourrait faire gagner 136 Millions de dollars au gouvernement US, Agence Bretagne Presse, 17 avril 2015.
(roman) Cunéo (A.), Le maître de Garamont, : Antoine Augereau, graveur, imprimeur, éditeur, libraire, Paris, 2003.


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